L’élégance d’un piano mélodique et sombre.
Alors voilà, Bruno Ruder c'est mon pote. Je ne vais donc pas me livrer moi-même à une critique, ce serait un peu faussé. J'ai ajouté l'album à la base et j'essaie de faire connaître son album. Du coup je vous livre ici la critique de Sophie Chambon dans les Dernières Nouvelles du Jazz.
" Bruno Ruder n’en est pas à son coup d’essai. On peut même dire qu’il n’a pas perdu son temps, puisqu’il joue avec Riccardo Del Fra depuis son passage au CNSM, a été l‘un des fondateurs du trio Yes is a Pleasant Country , a tenu pendant trois ans le rôle du pianiste de Magma, continue l’expérience de Radiation 10 (réunion de musiciens affiliés au collectif Coax )...
Lisières est néanmoins le premier album solo du jeune pianiste, où il place fluidité de l’énergie, développement créatif, et improvisation dans ses priorités et son carnet de route. Si le piano se prête plus facilement à l’exercice délicat du solo, Bruno Ruder avertit dans ses « liner notes » fort éclairantes, qu’il ne tenait pas à réaliser «la réduction pour piano» d’une musique orchestrale, en profitant du formidable instrument de la Buissonne.
Il nous révèle en une sorte de récital, tout son art des pièces vives, libres, subtiles, aux motifs répétés, servant de base à des improvisations colorées, tantôt fougueuses, tantôt plus impressionnistes. Chacune des compositions, plutôt longues, est une « étude » sérieusement menée, objet d’un développement qui illustre une « idée », tout en prenant son temps pour s’aventurer dans les recoins. Il écrit pour le piano et à travers lui, choisissant délibérément l’acoustique, sans avoir recours (et on l’en félicite) à la préparation du piano. Et pourtant, il s’intéresse et cela s’entend d’un bout à l’autre de l’album, à la texture du son, aux résonances et à leur traitement. Le travail sur les rythmiques est l’un des enjeux forts de sa recherche. Le résultat traduit une cohérence certaine dans cette suite qui ne cherche pas à modifier les genres, alterner les styles, mais dévoile l’élégance d’un piano mélodique et sombre.
On admire le tour de force de ce voyage autour de la chambre, où technique et virtuosité restent au plaisir de l’imaginaire mis en lignes musicales. Voilà une exploration très personnelle qui réconcilie, si besoin était, avec la complexité des sons et des rythmes libres. On se laisse bien volontiers entraîner dans cette expérience des limites, aventure dans les marges, jamais facile, mais séduisante pour peu que l’on s’y abandonne. Ce que l’on retient , c’est que, singulier pluriel, le piano de Bruno Ruder n’a jamais mieux résonné.
Sophie Chambon "
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