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Turn your watch, turn your watch back... About a hundred thousand years...

Dans l'histoire de la musique, presque chaque groupe possède d'une certaine façon un album perdu où un projet abandonné qui avec le temps et la rumeur devient légendaire. Aujourd'hui, je vais vous conter l'histoire en lousse-dé de ce qui devait devenir le troisième album officiel des B-52's. Alors, pour traduire littéralement les paroles de la chanson titre du disque en question :


"Remontez vos montres, remontez vos montres vers le passé, d'environ 35 ans"...


En 1980, le groupe The B-52's triomphe après la sortie de deux albums mélangeants surf rock 60's avec l'énergie punk et new wave de la fin des 70's. Ces deux albums - The B-52's (1979) et Wild Planet (1980) - leur permettent de tourner un peu partout dans le monde et de gagner une certaine popularité, surtout par l'intermédiaire de leur style général et de trois tubes mondialement connus : "Rock Lobster", "Planet Claire" et "Private Idaho". Lors de leurs tournées, ils rencontrent les membres du groupe Talking Heads pour qui ils feront souvent les premières parties et avec qui ils deviennent très vite amis. Les B's n'ayant pas encore de manager officiel, les membres de Talking Heads leur présentent leur propre manager, Gary Kurfist, qui dorénavant s'occupera des deux groupes. Arrivé en fin d'année 1980, ce nouveau manager pousse le groupe à sortir un nouveau disque pour continuer de capitaliser sur le succès des deux premiers. Cependant, les B-52's ont déjà sorti leur répertoire entier sur les deux albums. Il va donc leur falloir un peu de temps pour écrire de nouveaux morceaux. Les cinq membres du groupe (à savoir Fred Schneider, Kate Pierson, Keith Strickland, Ricky et Cindy Wilson) s'installent donc à Mahopac dans une grande maison à quelques kilomètres au nord de New York City, et, en l'espace d'un hiver, composent et écrivent une dizaine de nouveaux morceaux. Afin de gagner du temps et de ne pas éteindre l’intérêt du public en ce début d'année 1981, le groupe, poussé une fois de plus par leur manager, sortent Party Mix, petite compilation de versions étendues et plus dansantes encore d'une sélection des morceaux les plus dansants des deux premiers disques. Pendant ce temps, le groupe se prépare à entrer en studio...


Été 1981. Le groupe est fin prêt pour l'enregistrement d'un nouvel album. Un point important leur manque encore : un producteur valable. Pour ce nouveau projet, les B-52's décident de s'orienter vers une production plus tournée vers le groove et le funk qu'auparavant, et quoi de plus idéal dans ce cas que de faire appel à leur ami leader de Talking Heads David Byrne ? Ce dernier vient alors de triompher avec le très poly-rythmique Remain In Light et la collaboration funk-ambient-expérimentale My Life In The Bush Of Ghost avec Brian Eno. Sans surprises, le choix plait à Kurfirst et en septembre de la même année, direction les studios Blank Tape à New York pour enregistrer ce qui deviendra (ou plutôt était censé devenir) le troisième album des B-52's, Mesopotamia.


Au total, dix morceaux sont composés et prêts à être enregistrés sur l'album. Mais il y a un gros hic dans l'histoire : les sessions d'enregistrement et de mixage se déroulent plutôt mal. Les membres du groupe se sentent abandonnés par un David Byrne de plus en plus accaparé sur son album solo The Catherine Wheel (bande son du spectacle de danse éponyme de Twyla Tharp). "Travaillant" sur Mesopotamia le jour et sur Catherine Wheel la nuit, Byrne se déconcentre peu-à-peu du travail de production, laissant le groupe et leur manager "finir" le travail. Et ce qui devait arriver arriva, les B-52's, énervés et fatigués, décidèrent de virer Byrne et de ne pas sortir l'album. Paniqué, Kurfirst les pousse à sortir une version de travail, écourtée. Les membres du groupes, après concertation, décidèrent au final de ne sortir qu'un EP avec les six titres les plus finis à leurs yeux. Les sessions furent donc avortées et avant la fin de l'année 1981, l'album fût "remixé" par le groupe, minimisant les interventions de Byrne. Entre temps, le boss du label anglais Island Chris Blackwell demanda les bandes afin de pouvoir commencer à presser la version européenne du disque. Dans la pagaille générale, ce sont les bandes pré-mixées par Byrne qui fûrent envoyées au Royaume-Uni. Résultat, lors de sa sortie en janvier 1982, le mini-album est dispo en deux versions : la version Warner aux USA et la version Island en Europe.


Question : quelle différence réside entre les deux versions ?


Réponse : trois morceaux.


En effet, les morceaux "Loveland", "Cake" et "Throw That Beat In The Garbage Can" se voient rallongés de quelques minutes et sont musicalement plus denses, groovys et funky (la patte David Byrne, en somme). La version américaine, "remixée" par le groupe est plus courte, plus pop et moins centrée sur le côté groovy, et porte donc mieux son titre d'EP. Côté coulisses, il faut également noter que quatre morceaux sont écartés : "Butterbean", "Big Bird", "Queen Of Las Vegas" et "Adios Desconocidas". Les trois premiers seront ré-arrangés et/ou ré-enregistrés pour l'album suivant, Whammy et perdront parfois au change leur côté le plus groovy (écoutez la version "Byrne" de "Queen Of Las Vegas" sur la compilation Nude On The moon, puis celle sur Whammy! il n'y a pas photo). Le dernier morceau mis de côté est un cas a part, une sorte de ballade toute calme, dans des tons lents et romantiques peu caractéristique du groupe.


D'une manière générale et en oubliant ces histoires de versions, Mesopotamia fait véritablement office de disque de transition pour les Géorgiens. Grâce à David Byrne, le groupe se retrouve avec un "mini-album" dans la lignée sonore des Talking Heads, éclipsant au passage le plus gros de la folie caractéristique aux B-52's (quoique). L'énergie cependant, est bien là. L'ajout massif de synthétiseur, de boites à rythmes, de cuivres et de percussions donne une profondeur, une densité et de manière générale un résultat surprenant qu'on ne retrouvera jamais dans le reste de leur discographie, ce qui pour moi, justifie déjà la note que je donne à ce disque. C'est d'ailleurs plutôt triste que le groupe ait fini par "renier" cet "album", car il contient vraiment ce qu'ils ont pu composer de meilleur. "Loveland" est un monument, conduit par la voix magistrale de Cindy Wilson. "Deep Sleep" est un ovni qui aurait tout à fait sa place sur un Remain In Light, Cake est une diablerie funky pleine d'humour et de sous-entendus grivois, "Throw That Beat" est une blague groovy construite sur un riff de synthbass a tomber par terre et pour finir, "Nip It In The Bud" est assurément ce que les B-52's ont fait de plus rock, Cindy y donne de la voix comme jamais. Reste le morceau titre, "Mesopotamia" qui est à ce jour un classique et le seul morceau encore reconnu et joué par le groupe en live. La plupart de ces morceaux ont tout de même étés joués live dans la courte tournée "MesoAmerica Tour" de 1982, qui les a vus triompher parmi les têtes d'affiches de l'US festival. Quelques bootlegs existent (je vous conseille celui de New York, dispo en annexes ici), et quel plaisir d'entendre ces morceaux en live...


Il existe un épilogue discographique avec cette histoire de version (si vous me suivez toujours). En 1990, après la sortie de Cosmic Thing, le label Reprise qui à l'époque détenait les droits sur les publications du groupe, décide de ré-éditer au format CD Party Mix et surtout Mesopotamia. Le groupe en profite et fait appel aux ingés sons Bob Ludwig et Tom Durack pour remastériser/remixer l'EP une toute nouvelle fois à partir des bandes américaines. Ainsi donc, toute preuve sonore de la contribution de David Byrne (qui était déjà minimisée) est désormais complétement effacée, quitte à ajouter de l'écho ou de nouveaux effets. Il existe donc trois versions de Mesopotamia au total : la version vinyle européenne (avec les mixes de David Byrne originaux et les versions longues), la version vinyle américaine (avec les remixes "pop" du groupe) puis la version CD qui efface toute production d'un certain producteur (son nom est inscrit sur le CD, mais c'est tout...). Pour les plus fins d'entre-vous, vous me direz que je n'ai pas mentionné de version cassette. Et bien c'est très simple : la version cassette est basée sur la version américaine.


Si d'ailleurs vous comptez achetez l'album (et que vous avez une platine vinyle), je ne saurais que trop vous conseiller d'investir dans la version européenne, de toute façons plus commune ici en France et pas trop chère, au vu de l'aura négative que ce disque inspire a tort aux gens en règle générale.


ANNEXES :


The B-52's en live (son quasi parfait) au Roseland Ballroom de New York City
https://www.youtube.com/watch?v=SFZRYW8-Jh8&t=132s


"Loveland" (version David Byrne)
https://www.youtube.com/watch?v=0xNDqyZvr4U


"Cake" (version David Byrne)
https://www.youtube.com/watch?v=6f8gtfHYSs8


"Throw That Beat" (version David Byrne)
https://www.youtube.com/watch?v=0w_QVZPELkM


"Queen Of Las Vegas" (version David Byrne)
https://www.youtube.com/watch?v=07TjYCnvZn0

Blank_Frank
10
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Créée

le 31 mai 2015

Critique lue 701 fois

5 j'aime

Blank_Frank

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