Pur concentré de réjouissances revigorantes

Le label montréalais Constellation Records est connu pour ses merveilleuses productions post-rock (Godspeed You! Black Emperor, Do Make Say Think, A Silver Mt. Zion…) mais a d’autres tours dans son sac. Il se targue de sortir « 8 à 10 albums défiant les genres par an » et ce n’est pas More Than Any Other Day de Ought qui va le démentir.

Le groupe joue un post-punk frais et aventureux dans la lignée des Public Image Ltd et Talking Heads. Mais celui-ci est teinté d’éléments plus caractéristiques du rock indé, du post-rock et du krautrock, à l’instar des deux premières minutes du morceau « Today More Than Any Other Day », très Slint voire Neu! dans l’approche. L’introduction de ce morceau nous embarque dans des eaux intrigantes et déstructurées, avant que la mayonnaise prenne peu à peu avec les mots « We're sinking deeper / We feel like » répétés à l’envi. Le morceau abonde alors d’une volonté de puissance nietzschéenne, porteuse d’un tempérament de feu allié à un regard résolument bienveillant sur le monde : « Today, more than any other day, I am excited to feel the milk of human kindness ». Ceci masque toutefois un double sens cynique lié au consumérisme, raccord avec l’orientation anticapitaliste de Constellation Records : « And today, more than any other day, I am excited to go grocery shopping ».

L’album dans son ensemble est un pur concentré de réjouissances revigorantes. Le rythme et le riff de « Pleasant Heart », foutrement efficaces, placent la barre très haut en ouvrant l’album dans une trombe tourmentée. Quand Tim Darcy chante « When you're living in the shell », il se place d’emblée en leader charismatique qui se vautre nonchalamment dans l’aspect fouillis du disque pour mieux le transcender. Un peu plus loin, « The Weather Song » présente une dynamique un peu plus huilée, où la voix rebondit délicieusement sur les boucles de guitare gorgées d’effets, et le refrain apparaît comme une vraie bénédiction. « Around Again » parvient également à captiver dès les premières notes avec son rythme sautillant, brutalement interrompu aux trois quarts du morceau par un interlude oral suivi d’une ambiance plus tendue et hachée. Les morceaux s’étirent sans aucun artifice : « Habit », « Clarity! » et « Gemini » font chacun entre 6 et 7 minutes, portés uniquement par leur propre dynamique, que leur spontanéité rend incalculable.

Tout ce qu’on souhaite, c’est que ça recommence. Que ça reprenne de plus belle, que ça s’égosille, s’éparpille, implose à la surface !