Après le prog breton en breton, voici Nåde, deuxième album d’Område: du metal progressif avant-gardiste mâtiné d’électro ambiante et de musique symphonique, avec des titres en au moins cinq langues différentes et assemblé par un duo français sous les pseudonymes de Bargnatt XIX et Arsenic. Je pose ça, je laisse fuir les âmes sensibles et je reviens.
Bon, maintenant que nous sommes entre gens de bonne compagnie, je dois vous dire que j’ai reçu cet album par service de presse de My Kingdom Music et que j’appréhendais un petit peu ce que je craignais être du death-prog brutaliste. Il n’en est rien et s’il faut rapprocher la musique d’Område de groupes existants, il faut plutôt aller chercher du côté des expérimentateurs comme Ulver, Manes, ou, pour les plus aventureux, The Enid ou même King Crimson et Pink Floyd.
Là où ça devient intéressant, c’est qu’Område n’a pas laissé de côté son âme de metaleux. Il n’est pas rare de tomber sur de la grosse guitare ou du chant guttural au détour de plages plus électroniques. Ce d’autant plus que si mon énoncé initial laisse craindre un muesli indigeste, façon buffet de petit-déjeuner entier passé à la broyeuse à gros morceaux, Nåde est en vérité un album plus homogène qu’il n’y paraît.
Nåde compte huit pistes entre cinq et huit minutes – à une exception près – pour une durée totale un chouïa en dessous de la barre des cinquante minutes. Au format, on sent qu’on a là un album construit, avec des compositions complexes.
Il y a chez Område un petit côté Naïve qui n’est pas fait pour me déplaire, avec son mélange d’ambiances trip-hop lourdes et de metal progressif (« Malum » ou « Enter »), mais ce n’est pas le seul. Disons que, si j’ai précédemment parlé d’homogénéité, elle est plus à chercher dans le côté « recherche avant-gardiste » de la musique que dans les sonorités.
Il y a quand même pas mal de trucs qui partent dans des directions bizarres. Je citerais notamment « Styrking Leið » et « Fallaich » pour leur orchestration symphonique, « The Same for the Worst » où l’ambiance lounge-saxophone est contrebalancée par un chant rageur, puis par des ambiances orientales. Et je ne vous parle même pas des chants grégoriens de « Baldar Jainko ».
Mais, même dans le délire, on sent qu’Område maîtrise son sujet: ce n’est pas du n’importe quoi, mais bien un album construit. Aussi improbablement nommé soit-il, le duo qui forme la base du groupe assure une musique impressionnante.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Område ne fait pas du metal à la papa! C’est effectivement avant-gardiste et, comme tous les albums avant-gardistes, Nåde est un exercice dans l’art du « jusqu’où peut-on aller trop loin? » Une chose est certaine: il y a peu de chance que tout plaise à tout le monde et c’est probablement le but.
Mais, quand on aime le metal progressif, il y a des albums qui plaisent intellectuellement à défaut de satisfaire émotionnellement. Pour ma part, Nåde contient est à mi-chemin entre les deux plateaux. Même les quelques morceaux qui ne me plaisent pas sont hyper-intéressants pour ce qu’ils apportent à l’expérience.
Pour moi, c’est une galette qui pourrait être un sérieux concurrent au titre d’album de l’année. Même si je ne l’ai pas payé, je n’ai pas eu besoin de me forcer pour être enthousiaste. Par contre, vu le degré d’expérimental dans lequel Område évolue, je ne peux que vous conseiller d’écouter Nåde avant de l’acquérir. Il est disponible sur Bandcamp pour la modique somme de €6.50.
Article précédemment publié sur alias.erdorin.org