Wadada Leo Smith – Najwa (2017)
Voici un album de Leo Smith publié à nouveau sur le label Finlandais « TUM Records », cet enregistrement paru en 2017 a été enregistré à New York en 2014. Le Cd se présente sous la forme d’un digipack à trois volets, sur celui de gauche est collé un petit livret d’une quarantaine de pages très documenté avec textes et photos.
C’est là que sont indiquées les intentions de Leo Smith, il remarque que les instruments traditionnels utilisés dans le jazz, comme la trompette, le piano ou le saxophone, sont supplantés par la guitare électrique ainsi que les pédales qui la complètent, en y ajoutant des effets électroniques. Du coup cet album est consacré aux guitares, ainsi qu’à la fusion.
Pour se faire il fait appel à quelques guitaristes de grande renommée, Michael Gregory Jackson, Henry Kaiser, Brandon Ross et Lamar Smith. Bill Laswell joue un grand rôle ici et tient la basse électrique, Pheeroan AkLaff est à la batterie et Adam Rudolph est aux percussions.
Les pièces jouées sont au nombre de cinq, elles sont toutes dédiées à de grandes personnalités du jazz, sauf « Najwa », qui ne dure que trois minutes, et qui est lié à une inspiration plus personnelle, Najwa semble en effet avoir tenu un rôle dans la vie sentimentale du trompettiste. Ainsi Ornette Coleman, John Coltrane, Ronald Shannon Jackson et Billie Holiday sont célébrés.
Miles Davis n’est pas dans la liste, pourtant son influence est bien présente dans la musique, le jeu de trompette de Wadada éveille chez l’auditeur des réminiscences fréquentes, se rappelant à son souvenir. Il faut dire qu’il joue de façon exceptionnelle dans cet environnement inhabituel, les fulgurances dont il fait preuve et ses montées dans les aigus sont autant de traits qui transportent là-haut.
L’autre caractéristique majeure, c’est la force des percussions, on sait Adam Rudolph maître dans ce jeu, il se combine ici avec akLaff et ça grouille sévère, d’autant que Bill Laswell n’est pas un manchot, la rythmique est tout simplement d’enfer, martelante et surpuissante. Il faut au moins ça pour contenir nos guitaristes qui se relaient.
La première pièce de seize minutes se nomme « Ornette Coleman´s Harmolodic Sonic Hierographic Forms: A Resonance Change In The Millennium ». On se souvient qu’Ornette a également utilisé l’électricité sur « Dancing in Your Head » et « Body Meta », voici donc un univers partagé par les deux musiciens, Wadada n’hésite pas à s’inscrire dans le jeu Colemanien, s’appropriant son style en y greffant des guitares très rock.
Le second morceau, qui frôle le quart d’heure, « Ohnedaruth John Coltrane: The Master Of Kosmic Music And His Spirituality In A Love Supreme » est inondé de percussions sur lesquelles les guitares dessinent des nappes, Smith dispense des séquences souvent courtes qui ponctuent la pièce. Les guitares peinent parfois à s’extraire de la masse sonore et sont moins audibles que la trompette, on goute cependant le travail sur les pédales et les effets.
La troisième pièce « Ronald Shannon Jackson: The Master Of Symphonic Drumming And Multi-Sonic Rhythms, Inscriptions Of A Rare Beauty » est un hommage au batteur qui joua aux côtés de Charles Mingus, Jackie McLean, Joe Henderson, McCoy Tyner, Cecil Taylor et même d’Albert Ayler et de bien d’autres encore, ainsi qu’en leader et, bien sûr, aux côtés de Wadada Leo Smith.
La dernière pièce « The Empress, Lady Day: In A Rainbow Garden, With Yellow-Gold Hot Springs, Surrounded By Exotic Plants And Flowers » est très calme et reposée. On peut également, à son écoute, ressentir une certaine tristesse, ici la guitare cesse d’être stridente et se fait acoustique, une façon de se dire au revoir, avant de se quitter…