Critique initialement rédigée pour La Platine Intitulée
Il y a de cela quelques mois, SLIFT anoblissait la scène française avec UMMON, fresque épique et spatiale, de plus d’une heure de longueur, contant les aventures des titans et du temps. Cette belle réussite, tant critique que populaire, comme en témoigne le succès de leur session KEXP, entraîna un coup de projecteur bienvenu sur toute une pléiade de groupes de nos contrées: les Psychotic Monks, Mars Red Sky (pour les irréductibles ne les connaissant pas encore) ou bien, et ce sont bien eux qui nous intéressent aujourd’hui: KARKARA.
KARKARA sort Nowhere Land
Trio originaire de Toulouse (décidément) et se vantant d’un style de jeu oriental, psyché et fuzzy, KARKARA a sorti ce 13 novembre 2020 ‘Nowhere Land’, leur dernier album. Deuxième en date, et précédé par un ‘Crystal Gazer’ qu’il me tarde de découvrir, ce disque, bien que privé de la promotion qu’auraient pu lui offrir les salles de spectacle, se dresse comme une nouvelle preuve formelle de la productivité flamboyante de nos terres de basse-Manche !
Nowhere Land, un si grand inconnu ?
Nowhere Land est constellé d’influences, pour le pire (rarement), mais surtout pour le meilleur. La plus évidente d’entre-elles serait évidemment King Gizzard & The Lizard Wizard, dont les riffs à la signature rythmique et orientale forte semblent avoir largement inspirés des morceaux comme ‘Falling Gods’ (et si ce n’est pas le cas, il semble cependant nécessaire d’avouer que la comparaison est plus que tentante). Cette vraisemblance se retrouve même dans le chant, où sur le morceau cité précédemment, par exemple, la voix du chanteur s’hache autour des rythmes découpés de sa guitare: ce qui n’est donc pas sans rappeler des mimiques très australiennes.
D’autre part, l’on retrouve sur Nowhere Land des sceaux bien connus de par chez nous, des signatures musicales très garage, s’apparentant, notamment sur ‘Setting Sun’, à des groupes comme Clavicule (dont le dernier album est chroniqué ici!). Soit des différences d’intensité marquées entre les couplets et les refrains, des teintes ultra reverbées, un chant lointain, nonchalamment détaché de son sujet, et, notamment sur le morceau que je vous citais, des touches très surf. Ajoutons à cela des bifurcations mélodiques et plongeantes, des contretemps stoneurs parfaits: comme sur ‘Falling Gods’ et ‘Setting Sun’ une fois encore, qui ne manqueront pas de rendre fou le public de leurs prochains, on l’espère, concerts.
Nowhere Land c’est également un trip spatial et fantastique qui s’assume. Le morceau d’ouverture, ‘Deliverance’, en témoigne: écho abondant, une batterie qui impose son rythme comme si nous étions encore au temps des galères, une basse qui virevolte entre les étoiles.. vous commencez à saisir la métaphore. De ce constat, difficile de ne pas conseiller aux fans de SLIFT ce nouveau voyage parmi les astres. D’autant plus que l’espace sait très bien s’élargir pour laisser place à un quasi-silence, à des répétitions hypnotisantes, à des combinaisons d’écho et de fuzz tripantes...
Alors, le voyage vers le Nowhere Land vaut-il le coup ?
Ô combien mille fois ! Bien que le dépaysement ne sera peut-être pas aussi excitant qu’au moment de votre découverte des groupes ayant influencé le style de KARKARA, l’aventure en vaut cependant le prix: au fil des tours du disque, vous côtoierez le vide stellaire, de sombres histoires de sorcières et, peut-être, les drôles de fantômes des Mackenzie ou autres Hawkwind.