La fille du Nord (de l'Angleterre) avait déjà frappé fort en 1971 avec One House Left Standing, un album qui prouvait qu'être sérieux à dix-sept ans n'a aucune importance si l'on écrit et chante d'aussi jolies choses. Deux ans plus tard sort October, continuation et prolongement de son prédécesseur.
La formule singer-songwriter est toujours en place, plus variée avec l'adjonction de claviers — un orgue fantomatique sur Island, un piano argentin sur Peaceful — et de cordes — Peaceful encore, une petite perle de douceur, ou bien le monument de solitude de I Don't Get Any Older. Ces ajouts restent discrets la plupart du temps (même si l'auditeur de One House Left Standing, beaucoup plus guitarocentré, sera certainement surpris d'être accueilli par les claviers de Island). Les thèmes des paroles n'ont guère changé : il s'agit toujours d'amour, de nostalgie, de ruptures, de solitude. Alors, quoi ? Les années 70 ont produit des camions entiers d'albums de folk dans la même veine, qu'est-ce qui distingue celui-ci des autres ?
Eh bien, Claire elle-même, tout simplement. Il aurait été facile d'avoir un album monotone ou du moins peu varié, un défaut auquel n'échappait pas totalement One House Left Standing, mais October offre un brillant panorama des possibilités vocales de son auteur. Je ne connais aucune autre artiste folk qui puisse être ainsi tour à tour et sans jamais forcer sa voix d'une mélancolie rêveuse (Island), puis d'une ironie féroce (Speedbreaker), d'un enthousiasme enfantin (Sidney Gorgeous et son piano aérien) ou d'un désespoir glacé (I Don't Get Any Older qui offre son titre à l'album), d'une douceur angélique (Peaceful) ou même d'une sensualité pleine de gouaille (la reprise de Baby What's Wrong de Jimmy Reed). Un vaste éventail d'émotions humaines se déploie dans ces douze chansons.
Dans The Artist, Claire s'interroge : « Si je suis l'artiste, qui va me peindre, moi ? ». De fait, la postérité l'a plutôt oubliée. Espérons que, comme d'autres, elle sera redécouverte et appréciée à sa juste valeur.