Par Olivier Lamm
Depuis qu'il a entamé son ascension des bas-fonds math art noise jusqu'aux scènes pop des grands festivals, le groupe de Greg Saunier et Satomi Matsuzaki ne semble obéir qu'à une credo : s'extirper à tout prix des petites boîtes en bois dans lesquelles tout le monde, fanatiques, suiveurs affectueux ou danseurs de passage, veut les faire rentrer. Bruyant / pas bruyant, poppy tout rose / expérimental tout noir, Deerhoof est comme un petit conglomérat d'expérimentateurs généreux jusqu'à l'inconscience, en état de grâce zutiste : « à chaque fois qu'on lit une description de notre musique (…) c'est comme un mode d'emploi de tout ce que nous devons arrêter de faire pour avancer ». Et après Friend opportunity hydromel explosif, supra coloré et bourré ras la gueule de trompettes et de bruit-bulles, le trio redevenu quatuor avec l'arrivée du formidable Ed Rodriguez (ex Flying Luttenbachers et compagnon de maths de John Dietrich dans Gorge Trio ou Colossamite) se devait de prendre une méchante tangente. Offend Maggie, avec son beau titre insondable (explication de texte dans notre interview du cerveau Greg Saunier), son sec et live dans la moelle, ses chansons sombres, drolatiques, volontiers ambiguës et sa pochette noir et blanc anonyme et monacale (magnifique cauchemar de l'artiste Tomoo Gokita) s'y complait ainsi largement.
Ainsi, ceux qui ont lu partout que Deerhoof était le groupe « foufou » par excellence de notre temps (c'est, tout de même, leur dixième album) seront surpris de découvrir un groupe de rock très centré sur ses basiques pop, math, prog et spazz (guitare à droite, guitare à gauche, batterie et basse au milieu, à peine quelques écarts de piano dans les hauteurs), plus préoccupé à jouer de sa souplesse et de son élasticité que de s'amuser avec des assauts gratuits sur le cortex et sur les tympans. De plus en plus tourmentés par une acception classiciste de l'art chanson, les quatre amis misent aussi beaucoup sur les compos : plus suaves, plus intenses, plus complexes mais moins mutines, elles se déploient en toute horizontalité, sautillant encore à l'envie d'un thème ou d'un tempo à un autre comme quelque gamin hyperactif, mais en esquivant assez splendidement les engoncements arty ou dada pour se précipiter vers des trous blancs d'intensité. (...)
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