One Hand for the Knife, One Hand for the Throat par jonben

Un album à la technique particulière, unique, un ovni d'un seul album, difficilement comparable, hyper complexe au niveau rythmique comme mélodique, très chargé, extrême, à fond de balle avec des vocaux sans concessions, quasiment grind dans l'esprit mais un grindcore sophistiqué et limpide au niveau de l'exécution.

L'EP nommé Day de ce petit groupe anglais, sorti en 2005, ne m'avait pas à l'époque laissé indifférent. Malgré des compos assez maladroites, on sentait percer un collectif inspiré par l'envie de se démarquer de ses pairs, et le bordel monstre produit n'en était pas moins impressionnant de précision et de virtuosité, et valait le coup de ne serait-ce que pour le riff phare aux mesures composées de "Vietnammese Killing Queens". Il faut avouer que des morceaux sans queue ni tête et un chanteur monocorde assez usant, avaient eu raison de ma patience et je l'avais rapidement mis de côté même si restait un fond de curiosité qui m'a tout de suite incité à écouter ce premier véritable album du groupe, One Hand For The Knife, One Hand For The Throat.

Pour situer, Tangaroa pratique une sorte de mathcore progressif et donne à première écoute l'impression d'en avoir mis un maximum dans chacun de leurs morceaux (les 2 minutes du premier morceau, "Turn Off The TV, Shut The Magazine" mettent à ce titre direct dans le bain), dans une sorte de déluge incessant mais organisé de notes, où les riffs en tapping et sweeping s'enchaînent sans cesse, la batterie donnant le change en construisant des rythmes sur des structures non linéaires.
Premier constat, ça joue toujours aussi bien, le niveau de ces musiciens les classent parmi les meilleurs exécutants du metal actuel, la production sèche, sans artifice, rendant sans cafouillage une musique ordonnée comme un mécanisme d'horloge, jouant plus sur un son détaillé que sur une variété de sonorités, ici cantonnées au trio saturations/percussions/cris. Cela dit, la fougue désordonnée du premier EP est ici plus raisonnée, préservant un groove et une certaine tenue des morceaux. On a affaire à des riffs thrash rapides, certes très techniques et tout en cassures rythmiques, avec quelques plans polymétriques, mais qui sonnent de façon limpide et sont intégrés dans des morceaux construits, aux évolutions à tiroir, fourmillant de détails marquants.
La deuxième constatation sera une évolution des voix, heureusement plus variées que sur l'EP précédent, apportant un degré d'agressivité supplémentaire à l'ensemble, partant dans des accès de démence à moitié parlés rappelant parfois leurs compatriotes Sikth, même si elles restent tout de même plutôt monocordes dans l'ensemble.

En fait, leur particularité tient à ce qu'à une complexité rythmique désormais assez commune parmi les groupes metal techniques s'ajoute une complexité mélodique (ce qui les rapproche d'un Psyopus dont on ôterait les dissonances stridentes). Si leur musique se confine parfois à l'indigeste, de nombreuses écoutes étant nécessaires pour en désemmêler les différentes lignes, et d'autant plus les retenir, cet aspect mélodique apporté par le jeu des guitaristes qui clarifie les mélodies dans le mix, et un jeu rythmique plus subtil que chargé (peu de blasts), permet de s'y retrouver plus facilement que chez un Cryptopsy ou Cephalic Carnage par exemple.
C'est je trouve ce qui les distingue du lot. Personnellement, je suis conquis mais je conçois que ce groupe en fasse un peu "trop" pour beaucoup. On se perd facilement dans des dédales sans fin qui reviendront finalement plus pour certains à une performance qu'à une réussite musicale. Cela dit, au fur et à mesure des écoutes, je trouve qu'ils arrivent à éviter la technicité abstraite extrême (d'un Behold… The Arctopus par exemple) car l'efficacité reste de mise, en particulier grâce à une influence hardcore bien présente, qui se manifeste dans de nombreux passages plus directement efficaces.

Un côté progressif intervient quand le groupe ménage des variations d'ambiances. Les morceaux sont plutôt longs (5 à 9 minutes), et passent par plusieurs phases, comme la fin de "One Hand For The Knife", pouvant faire penser à du Hacride, mais il est difficile de chercher là un apaisement, leur musique reste très extrême et touffue tout du long. On ne peut même pas vraiment parler d'accalmies quand on a affaire à l'ambiance malsaine et aux hurlements délirants du très réussi "Jupiter Sheep Farm" qui fait figure de seul titre posé de l'album, et en est sûrement le plus perturbant.

Un album difficile à appréhender donc, mais je pense vraiment qu'il apporte quelque chose à cette scène musicale, avec une approche assez unique. Certes, on est très loin d'une révolution à la Dillinger Escape Plan, mais du moins peut reconnaître, en plus du travail assez époustouflant de mise en place, à ce One Hand For The Knife, One Hand For The Throat un certain son Tangaroa. Ma claque de ce début d'année.

http://www.eklektik-rock.com/2009/02/tangaroa-one-hand-for-the-knife-one-hand-for-the-throat/
jonben
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le 20 oct. 2012

Critique lue 32 fois

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