Eddy Louiss – Orgue (1972)
On ne parle plus guère d’Eddy Louiss, pourtant il semble qu’autrefois il faisait partie du paysage, la faute à Nougaro, peut-être, qui le cita même en chanson pour lui rendre hommage, lui qui fut son accompagnateur :
« Hors de l'eau un orgue a surgi
C'est pas Némo c'est Eddy
À l'horizon l'orgue se hisse
Oh hisse et oh, c'est Louiss ».
Eddy c’était l’homme à l’orgue Hammond B3, et son truc c’était les tirettes, pour faire durer le son, le faire swinguer et le faire danser tant que faire se peut. Sur la pochette de cet « America » on le voit les yeux dirigés vers le ciel, comme hypnotisé ou subjugué, peut-être pense-t-il à la Martinique, de là où il vient, ou bien encore à son père, trompettiste qui le guida vers le jazz, mais pas n’importe quel jazz, non ce qu’il aime c’est le « jazz à Papa » qui balance et fait tourner et danser toute la nuit…
Cet album est magnifique, millésimé soixante-douze, Eddy est accompagné par Jimmy Gourley à la guitare, un fabuleux musicien qu’on écoutait alors, au temps d'avant, il m'avait enchanté sur les ondes de France Musique, je m'en souviens encore. Il y a Guy Pedersen à la basse sur les deux titres où il joue, et rien moins que Kenny Clarke à la batterie, inutile de dire que ça tourne rond ici et que tout balance à la perfection.
Tout se déroule dans une certaine tradition, y compris le répertoire, ça commence avec « Night In Tunisia » de Dizzy Gillespie, de quoi faire chauffer l’ambiance rapido, comment ne pas taper du pied en même temps que le disque tourne ? Les soli de Jimmy Gourley sont absolument remarquables en écho aux attaques de l’orgue B3, on pense au fabuleux Jimmy Smith, même si, une fois, le saxophoniste Stan Getz a laissé échapper : « Pour moi Eddy Louiss est le plus grand organiste du monde ! » En même temps c'est pas faux, ils peuvent se serrer un peu, au Panthéon!
De quoi se chopper le melon pendant quinze jours un truc pareil ! J’ai oublié de vous citer les gens avec qui il avait joué, mais il y en a trop et ce serait trop long, d’autres s’y sont essayé et la page A4 n’a pas suffi ! restons au B3 avec « Blusinef » la seule compo d’Eddy ici, il y aura encore une reprise de Dizzy pour clore la face « Tin Tin Deo ».
Deux titres occupent la face B, c’est ça l’orgue, ça s’étale un peu et ça prend son temps, le temps d’une clope ou deux qui finiront dans le cendrier pas loin… « Automne Leaves » puis « Four And Six » de Wes Montgomery et « Summertime » de Gershwin dans un medley bien mené.
Ici tout est bon et c’est le genre d’album qui se trouve à pas cher, comme de la bonne musique populaire qui fait pas de chichi et ne fait pas de manière, alors si vous tombez dessus ne le loupez pas !