Quand on s'intéresse à l'Art, quelles que soit le support concerné, on a toujours envie de se croire objectif quand on partage ce qu'on aime et ce qu'on aime pas, mais ce n'est évidemment qu'une gageure. L'être humain est par essence enfermé dans sa propre subjectivité, et même s'il peut être plus ou moins influençable, ses goûts lui sont propres. Bien malin qui saura vous conseiller quelque chose qui vous plaira à coup sûr, comme Pinkerton finira bien par le comprendre un jour (?). C'est toujours un léger déchirement de voir une œuvre qu'on apprécie laisser complètement froid quelqu'un qu'on apprécie, comme deux pièces de puzzle qui semblaient faites pour s'emboîter mais qui refusent obstinément de le faire. Cette indépassable idiosyncrasie me fait parfois désespérer de SensCritique en particulier et de la vie en général (jusqu'à ce que je me rappelle à quel point j'aime les mots de plus de quatre syllabes, après ça va mieux).
Tout ça pour dire que critiquer une œuvre qu'on apprécie, ça n'est jamais aussi facile que ça en a l'air. Cet album de Pamela Polland, par exemple. Pour vous, ça ne sera peut-être qu'un énième album d'auteur-compositeur-interprète comme les années 70 en ont produit des cargaisons entières, un peu folk, un peu rock, un peu pop, bien écrit mais sans plus, bien produit mais sans plus, passé inaperçu à sa sortie et tombé dans l'oubli sans qu'il n'y ait rien d'injuste à cela. Je pourrais vous dire que la dame a une jolie voix, que les plus psychédophages d'entre vous (mais pas encore Superjér, tiens) auront déjà entendu sur l'unique album du duo Gentle Soul (1968), et vous me répondrez que c'est loin d'être la seule citoyenne américaine de sa génération à avoir posé sa jolie voix sur un coin de 33 tours. Je pourrais vous dire que Nicky Hopkins l'accompagne de son piano féérique sur quelques chansons, et vous me répondrez que c'est cool mais que ça n'a rien d'un sceau de qualité (et vous aurez raison). Vous me direz que vous avez du mal à comprendre comment je peux recommander un disque aussi indistinct et je vous répondrai que je ne suis guère plus avancé que vous. Que Pamela irradie une telle chaleur, un tel plaisir de chanter ses chansons toutes simples, que c'est un album qui me fait du bien quand je l'écoute, qui m'a réconforté pendant un réveillon un peu cafardeux, et que parfois, il n'y a rien à attendre de plus de la musique que ça. Est-ce qu'il vous fera autant de bien ? Je n'en sais rien, je ne suis pas dans vos chaussures, mais c'est tout le mal que je vous souhaite.
http://www.pamelapolland.com/er.html