Souvent malin sur ses clips, Sir Michael Rocks est à l’inverse décevant sur ses projets. Testons si la prophétie devient théorème avec Populair Part 2.
Il aura donc fallu un an pour que Sir Michael Rocks donne une suite à son EP Populair. Plutôt mal reçu par les critiques comme par le public, le MC a rapidement boudé tout ce beau monde, s’est enfermé dans son coin en tant qu’artiste incompris. Sauf que puisque personne n’attendait rien de lui et qu’il n’est pas Kanye West, tout le monde s’en est foutu. Alors, il s’est rapidement remis au taf, notamment avec quelques visuels qui ont fait leur petit effet, en promettant que Populair n’était que la première partie d’un ensemble plus large. Seconde partie improvisée, Populair Part 2, lui aussi présenté sous la forme d’un EP, se veut la clef d’un puzzle que personne n’avait eu la patience d’assembler.
Déception immédiate. « Kilo On Craigslist », le morceau d’ouverture des 7 titres et des 21 minutes du projet, est aussi facile à déchiffrer que son titre le laisse présumer. On le sait, la séparation entre minimalisme et foutage de gueule est symbolisé, dans l’art, par une fine couche de glace qu’il est très aisé de briser. Il ne faut pas longtemps à l’auditeur pour se rendre compte qu’il est bien dans la seconde partie de sa petite partie de devinette. Sans contexte, l’écriture est juste abrutie. Faut-il absolument un argument visuel pour que l’univers Sir Michael Rocks soit complet ?
L’ironie imperceptible fait des ravages. Malheureusement, elle n’est pas seulement présente dans l’introduction de Populair Part 2, mais également dans « How Are You So Calm ». Ici, le second degré ne se fait pas par les textes, mais par le son. La superposition des 808 et de quelques percussions et sons exotiques fait son petit effet, autant que les envolées vocales étranges que ne renieraient pas un Kid Cudi. Pourtant, le second degré se fait rapidement complexe à appréhender, de plus en plus gras, jusqu’au point de non-retour. La faute, en partie, à une longueur de quasiment 4 minutes, là où ce genre de titre ne doit pas être beaucoup plus gras qu’une interlude.
Premenons-nous dans les bois, pendant que la bitch n’y est pas
On continue tranquillement dans la lourdeur avec « Uno Baby Mami », virée hispanique dans tout ce qu’elle a de plus clichée. On retrouve ici les délires mi-simplistes, mi-crado de Kanye, dans un style d’interprétation proche de ce que peut nous proposer un Michael Christmas. Mélange détonnant ? Que nenni. Sir Michael Rocks perd son inspiration au bout de quatre lignes, revient sur le duo gagnant facile anti-feuille blanche weed + gonzesses. Le genre de délire relou et mal de crâne dans lequel on pourrait également classer « Stop Searchin ».
A jamais amoureux des jeux vidéos, voilà qu’il nous sert un « Raiden » plus proche de Mortal Kombat que de Metal Gear. Cette fois, on lorgne du côté de Childish Gambino pour cette faculté à associer un flow nihiliste à une base Hip Hop dépouillée. Enfin, la sauce prend un peu, grâce à une écriture enfin réfléchie et cette fameuse tendance à se lier au jeu vidéo. La véritable épiphanie de l’album se réalise enfin sur ses deux derniers morceaux. Deux petites pépites qui font oublier tout le reste, qui seront elles clippées, on vous l’assure, dans les semaines ou les mois à venir?
On amorce cette fin en beauté avec « The Woods ». Premier constat : on se croirait, guidé par le sample, dans un épisode de série médiéval. Pas Game Of Thrones, hein, non, plus le vieux mélodrame interminable avec une fille de vicomte candide pour qui on nous ferait croire que l’ennui est le pire des maux. Saloperie de mouvement romantique. On s’emporte, mais c’est que Sir Michael Rocks aussi. Les basses nous sortent de notre torpeur, les capacités vocales du rappeur sont enfin exploitées dans le bon tempo. Pas besoin d’une structure complexe : quelques cuts bien placés dans la boucle et le tour est joué.
On continue tranquillement notre kif avec « U Kill Me ». Cette fois, l’univers n’est plus de tout à la rêverie mais au cauchemar. Le titre part sur un synthétiseur tout droit sorti des atmosphères affreuses et brumeuses de Silent Hill. Le décalage viendra de deux choses. En premier lieu, l’énergie R&B apportée par Mickey. Deuxième, le gros doigt fait aux niaiseries du genre. Thème simple, vengeance acide et ego-trip. Étrangement, le « fatality » de Populair Part 2 vient d’un survival-horror. Si ça, ce n’est pas de la révolution vidéoludique.
Non, Populair Part 2 n'apporte pas le coup de fouet souhaité au travail de l'année dernière. Poussif au démarrage, toussotant sur son ton et bien souvent amputé lorsqu'il ne possède pas la vidéo pour exprimer les 100 % de sa créativité, l'EP a plus des airs de mixtapes balancées qu'autre chose. Sir Michael Rocks est le genre d'artiste avec qui on est un peu durs, typiquement parce que le type a du talent mais ne l'exprime qu'à moitié.
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