Le premier morceau s’appelle « Uhuru », ce qui signifie Liberté comme l’indique le sous-titre « Dawn of freedom ». Il occupe l’intégralité de la première face et se prolonge également sur la seconde. Le dernier morceau qui donne son titre à l’album fait partie des sessions « Black Gipsy », il n’est donc pas joué par les mêmes musiciens.
Uhuru bénéficie d’un apport important de percussions, Muhammad Ali ( le frère de Rashied Ali) est à la batterie, il est épaulé par Djibrill aux congas et Ostaine Blue Warner aux percussions. On comprend d’emblée que ce titre fait référence à l’Afrique, à sa musique, à l’un de ses dialectes : le Swahili. Bob Reid à la basse ainsi que Bobby Few au piano ont un rôle également très rythmique lors de cette session, ils ne sont pas moins de cinq pour donner à cet Uhuru toute la chaleur tropicale désirée, mais ici point de soleil, plage ou cocotiers, dès les premières notes on comprend que si le climat est torride, il est également lourd et tendu. Cette pièce s’est avant tout une tension, un cri, une révolte, un message politique.
Archie Shepp au ténor s’est entouré d’une section de cuivres, le fidèle Clifford Thornton à la trompette ou au trombone, Lester Bowie également à la trompette et Alan Shorter (le frère de Wayne) au bugle. Quelques chants d’oiseaux introduisent le morceau, soudain un cri, un accord dramatique au piano, des percussions qui avancent lentement, et ce chant : « Uhuru , Unuru »… L’orchestre s’avance, rythmique en avant, sifflets, appeaux, cuivres dans le lointain, la machine à percussion est lancée et ne s’arrêtera plus… Soudain le ténor, royal, au centre. Souffle court, saccadé, séquences alignées, les une à la suite des autres, jusqu’à se confondre en un même souffle… d’abord intense puis s’affaiblissant, repartant encore plus fort, baissant à nouveau d’intensité, se relançant encore, plus puissant, et ainsi de suite en une respiration qui vous transforme en coureur de fond, autour, tout bouge, Bobby Few et son piano fou, la batterie qui pulse avec frénésie, les percus qui percutent, Shepp se fait lyrique, fouille dans le grave, à contre sens ! Le trombone à gauche prend le relais, puis c’est au tour du bugle de crier « Uhuru !»
Il faut tourner la galette… La trompette est furieuse et se lance débridée dans le grand cri, poussée par l’impressionnante masse sonore qui pousse, qui pousse... Tout est énergie, puissance et force déployée dans un grand souffle libertaire porté par Shepp, à la tête des éléments déchaînés, ça souffle fort, la Liberté, quand on ne peut plus l’arrêter !
Pitchin 'Can clôt l'album de façon très différente, après la tempête, le retour au calme, au blues, à Black Gipsy. Thème répétitif, évolution lente. Dave Burrell, Earl freeman et Sunny Murray assurent une rythmique solide, carrée et compacte, la voix de Chicago Beau n’a plus qu’à se poser, qu’à chanter le blues, Archie, à ses côtés, tapisse un décor de notes bleues tandis que l’harmonica retouche le paysage d’un tendre ton pastel.
Un très bel album free mais accessible, on regrettera, sans doute, le manque de qualité dans la production.