Eric Clapton après les années 80 c'est un peu les montagnes russes : un coup ça monte jusqu'au sommet et juste après, c'est la dégringolade de l'enfer à faire remonter le petit déjeuner. D'un côté les solides From the Cradle et Riding With the King, de l'autre le "mi-figue mi-raisin" Journeyman et l'immondice Pilgrim. Si on poursuivait la sinusoïde, Reptile devrait logiquement faire partie des erreurs de parcours. Heureusement, il n'en est rien et c'est déjà une bonne surprise !
Reptile n'apporte en soit pas grand chose et reste musicalement très classique, sans fulgurance aucune. Ça tombe bien, ce n'est pas (plus ?) ce qu'on demande à Clapton. Comme la composition, la production est très propre et ne prend aucun risque, mais elle permet de rendre grâce au timbre de chaque instrument et voix (Find Myself, Second Nature). A l'instar de From the Cradle, on entend très nettement la performance du groupe accompagnant le guitariste. Et pour la première fois depuis 1983, Clapton arrive ici à combiner convenablement ses influences blues/jazz avec des structures et des arrangements plus pop. Bien sûr, il y a quand même de la casse dès que Clapton lorgne trop du côté de la variété avec la très niaise Believe in Life par exemple. Don't Let Me Be Lonely Tonight est aussi en deçà : l'utilisation d'outil de correction de hauteur de note (Autotune pour ne pas le citer) sur la voix de Clapton et la répétitivité du titre sont plutôt rédhibitoire. On pourra aussi regretter le manque d'énergie globale, mais une fois de plus, la production léchée empêche l'effet "pantouflard". Heureusement, les deux singles (I Ain't Gonna Stand for It et Superman Inside) sont là pour nous rappeler la force tranquille qui subsiste dans la Strat d'Eric Clapton malgré les 56 ans du bougre.
De plus, l'album est plutôt varié et jongle entre pur blues (Come Back Baby, I Want a Little Girl), rock (Superman Inside ainsi que la reprise de Stevie Wonder I Ain't Gonna Stand for It qui passe du disco au country rock), pop/folk (Find Myself, Modern Girl), soul (Don't Let Me Be Lonely Tonight), jazz (Reptile) et variétoche (Believe in Life). S'il aurait pu largement se faire amputer de deux ou trois titres mineurs, l'album navigue habilement entre ces différents styles sans nous ennuyer lors d'une écoute complète.
En somme, Reptile rempli complètement son contrat et s'impose comme un classique de la discographie de Clapton. Opposé à ses errances de la fin des années 80/début 90, la simplicité et le soin apporté aux arrangement paie. En prime, il réussit même à installer quelques morceaux de premier plan comme Second Nature ou la puissante Superman Inside aux côtés de ses meilleures compo. Un bon point pour M. Clapton.