Bonne nouvelle pour les chauvins, la France n’est pas à la ramasse en matière de rock psychédélique ! En ces années 2010, plusieurs groupes voient le jour un peu partout dans l’Hexagone, dont certains s’inscrivent dans une filiation évidente des pionniers australiens et états-uniens tandis que d’autres contribuent à repousser les frontières du genre. Forever Pavot est de ces derniers.
Emile Sornin, touche-à-tout inspiré autant par le psyché que par le jazz, le prog ou les musiques de film, a livré son premier album en 2014. Ce Rhapsode est un petit bijou avec une forte dimension cinématographique. Ambiance de science-fiction sur « Les naufragés du Niel », cavalcade épique sur « Miguel El Salam », valse déstructurée sur « Magic Helicopter »… Divers tableaux se déroulent dans nos tympans.
L’assimilation de références sixties et seventies donne un rock psychédélique multifacettes. Planant sur le titre éponyme « Rhapsode » qui rappelle un peu le style du groupe Air, il peut aussi s’imposer par des coups d’éclat magistraux façon Magma ou King Crimson sur un morceau comme « Le passeur d’armes ». Forever Pavot a le don de ménager ses scènes et de déconstruire les lignes mélodiques pour les étirer selon ses caprices.
Le jeune Emile se fait plaisir sur les claviers, notamment au clavecin, qui remplit une fonction rythmique habituellement dédiée aux guitare acoustiques ou électriques. Outre sa connotation baroque et ses réverbérations étincelantes, le clavecin apporte ainsi un drôle de côté « posé », dans le sens : « je pose ça là ». L’orgue n’est pas en reste, avec ses mélodies et arpèges rappelant le regretté Ray Manzarek.
La guitare électrique s’aventure dans des interstices inattendus avec des mélanges d’effets atypiques. Le chant est doucereux, la batterie feutrée, la basse interrogative. Des chœurs à la Beach Boys, une flûte, un tambourin ou encore des nappes synthétiques se mêlent à la fête. Sans oublier toute une panoplie de bruitages que l’on croirait sortis d’un tiroir, à l’instar du ressort qui fait « zbooing » à la fin de « Joe & Rose ».
Le label Born Bad Records a eu le nez creux de signer cet artiste inventif, qui a su créer un album se rangeant difficilement dans des cases préétablies, contrasté dans sa singularité et porté par quelques titres forts comme « Miguel El Salam » ou « Les Cigognes Nénuphars ». On l’écoutera volontiers pendant les beaux jours en mode chilling.