De la rage blasée du siècle ... encore
Avant de parler concrètement de pourquoi cet album est merveilleux, faisons vite la comparaison pourrie que tout le monde fait : ohlala Rhume c’est tellement mieux que Fauve. Ohlala subversion mon cul tout ça. De toute manière, faire mieux que Fauve est on ne peut plus facile, maintenant je vais aller plus loin et vous expliquer pourquoi cet album est, en plus que meilleur qu’un groupe sans substance, superbe.
« Celui qui croit encore conduire sa vie est un chauffard. Il faut le tabasser, il faut lui coudre le visage à l’envers POUR QU’IL SE TAISE » – Biarritz
Rhume est un duo de spoken word Dacquois dont ce LP est leur premier, et est constitué de 11 morceaux mélangeant déclamations rageuses et hurlantes de textes en français et instrumentations étranges à valeur noisifiante agglomérée. Et justement, c’est criard. Rhume hurle, violemment, fanatiquement d’ailleurs. A tel point qu’il y a un aspect défouloir dans leur musique. Mais c’est bien plus qu’une simple « sonorité » quasi-punk.
« Le pétrole se change en gras au niveau des cuisses et de l’abdomen » - Le Pétrole
Les textes de Rhume, écrits avec des formulations somme toutes assez simples, détonnent dans l’actuelle mouvance de stylisation musico-littéraire à l’excès jusqu’à la logorrhée nauséeuse (comme cette phrase). Le sens, dans Rhume, ne vient pas de la figure de style, mais du propos en soi. Que ce soit le réquisitoire contre la resucée dans BBF Expulsés (avec la magnifique phrase : Les conservateurs détruisent tout) ou le kafkaïen closer Je vais pas me coucher comme ça, c’est le texte qui fait réagir, pas la formulation. Et putain, c’est tellement rafraîchissant. Ou pas, étant donné la crasse et le cynisme qui embaument ces textes. Mais ça sonne parfaitement bien.
« BREL BRASSENS FERRÉ MAIS LAISSEZ LES OÙ ILS SONT ! ILS ONT RIEN DEMANDÉ ! ILS ONT FAIT DES DISQUES ET ILS SONT MORTS ! » – BBF Expulsés
Musicalement, la bizarrerie de Rhume joue en sa faveur, mélangeant les samples, les instruments enregistrés à l’arrache et les triturages bruitistes. Ca se sent brillament dans le très poisseux Le Pétrole ou l’hystérique Tempête dans un Verre D’Eau. Et Je Vais Pas Me Coucher Comme Ca, encore qui devient presque effrayante. Ces sons bruts de décoffrage se mélangent à la voix parfois sursaturée qui fait se ressentir une urgence sans pareille.
« Je suis pris dans le piège de celui qui cherche du travail. Je suis pris dans la neige. J’ai mon vélo qui déraille » – Je vais pas me coucher comme ça
La synthèse musicale se résume finalement en un album criard, qui sonne vrai et puissant, intelligent et rageux. Un album en phase avec son époque, si je puis dire. Mais toujours est-il que Rhume violente tout avec un disque surpuissant tout en étant parfois mélancolique, comme le prouve le merveilleux morceau Biarritz. Il est en rupture de stock en CD, mais vous pourrez toujours le récupérer en digital sur leur Bandcamp.
Rhume, la vie, le pétrole, le sexe des femmes. Toussa toussa.