Rough Mix
7.3
Rough Mix

Album de Pete Townshend et Ronnie Lane (1977)

She said "there's dust and cobwebs on your north star"

La fin des années 70 est une période difficile pour les dinosaures du rock, et les Who ne font pas exception. Le groupe a beau remplir les stades, la flamme n'est plus là, et Pete Townshend en a marre d'à peu près tout, comme en témoigne l'incroyablement amer By Numbers (1975). L'alcool est devenu son meilleur ami, le business des Who le rend malade, et il rêve de pouvoir faire quelque chose en-dehors d'un groupe qu'il considère de plus en plus comme une prison. Autant dire que quand son vieux pote Ronnie Lane vient lui rendre une petite visite, fin 1976, il n'est pas vraiment dans une forme optimale.


La vie n'est pas beaucoup plus rose du côté de Lane, cela dit : sa carrière solo n'a (injustement) jamais vraiment décollé, et son choix d'abandonner la récente réunion des Small Faces après seulement deux répétitions l'a laissé dans une situation financière plutôt délicate. Tandis que les deux copains échangent ces tristes nouvelles, l'idée surgit : pourquoi n'enregistreraient-ils pas quelque chose ensemble ? Après tout, ils avaient déjà joué ensemble quelques années auparavant, sur les albums de Pete en hommage à Meher Baba. Comme ça, « the Nose » pourrait faire un peu de musique sans avoir la pression des Who sur ses épaules, et « Plonk » pourrait se remettre à flot financièrement.


La collaboration entre les deux musiciens n'est pas de tout repos : comme le montrent les crédits, il s'agit davantage de deux demi-albums solos que d'un véritable album à quatre mains. Townshend admet être incapable d'écrire une chanson avec quelqu'un d'autre, à moins qu'il n'ait simplement pas voulu partager les crédits avec son copain (il regrettera dans son autobiographie n'avoir jamais vraiment essayé de travailler sur quelque chose avec Lane). Les conditions ne sont pas non plus idéales : Pete est alors plongé jusqu'au cou dans les querelles juridiques qui opposent les Who à leurs anciens managers Kit Lambert et Chris Stamp, tandis qu'on diagnostique à Lane la sclérose en plaques qui finira par l'emporter en 1997. Toutefois, l'amitié qui unit les deux hommes les pousse à donner le meilleur d'eux-mêmes, dans un album garanti zéro pour cent prise de tête.


Oubliez les grandioses (pompeux) opéras-rock, ici, Pete se met au diapason de Ronnie et écrit des petites chansons où les confessions (Keep Me Turning) le disputent au loufoque (Misunderstood) ; même quand il expérimente avec des arrangements de cordes, c'est avec une brillante simplicité (Street in the City). De son côté, Plonk fait du Plonk : de la musique roots, mi-folk mi-country mi-pop, portée par sa voix au timbre si chaleureux (Annie, April Fool). Les deux musiciens ne se rejoignent réellement qu'à la fin du disque, avec l'exaltante Heart to Hang Onto, l'une des plus belles compositions post-Quadrophenia de Pete, et une coda encore une fois toute en simplicité qui reprend le standard country Till the Rivers All Run Dry.


On retrouve à la production Glyn Johns et Jon Astley, le beau-frère de Townshend. Plein de copains viennent prêter main-forte au duo, notamment Eric Clapton, Charlie Watts, John Entwistle, Rabbit Bundrick, Boz Burrell, Mel Collins ou Ian Stewart. Malgré ces prestigieux invités, Rough Mix n'est pas un grand succès à sa sortie, en novembre 1977, guère aidé par la quasi-absence de promotion de la part de MCA (une petite 45e place aux US). L'album donnera néanmoins à Townshend des idées de carrière solo, qui se concrétiseront trois ans après avec le fameux Empty Glass.

Tídwald
9
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le 24 mai 2014

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