Pharoah Sanders – Save Our Children (1998)
Bon, ce n’est pas un secret, il faut bien l’admettre et regarder la vérité en face, il y a dans la discographie de Pharoah beaucoup de hauts, le plus souvent, mais également quelques ratés un peu contestables, de ceux qu’on n’aurait ni aimé connaître, ni aimé rencontrer. Celui-ci en fait partie, peut-être pas en entier, et sans doute, pour atténuer, nous pourrions trouver en Bill Laswell un co-responsable, mais ça ne change rien.
C'est surtout sur le morceau titre qui ouvre l’album que la charge est lourde, les plus déçus lâcheront : « Mais qu’est-ce ? » ainsi ils feront part du désarroi qui les assaille, deux minutes dix après le début de la pièce, quand arrivent ces voix étranges, incongrues, qui ridiculisent la musique. Un peu plus loin, on a un peu peur pour notre héros, qui chute gravement.
Une fois la déception passée, il suffit de prendre l’habitude d’ouvrir l’album à la seconde pièce « Midnight In Berkeley Square » pour redevenir sérieux, non pas que le titre soit une réussite, mais il passe à la façon d’une ballade pop et sucrée, un standard où Pharoah pose un long solo romantique sans aspérité.
Puis arrive « Jewels Of Love » là où le cas de notre barde barbu s’arrange enfin, la pièce est longue, quatorze minutes pendant lesquelles Zakir Hussain s’exprime enfin avec les tablas à l’avant, Trilok Gurtu joue des percussions, on entend également un drone à l’arrière, arrivent ensuite harmonium et pianos électriques. Le soprano de Pharoah s’échappe ensuite au-dessus de la masse rythmique avec un son hyperléché qu’on ne lui connaissait pas, sans doute le travail de Bill Laswell…
« Kazuko » qui suit se nourrit également à l’électro et aux synthés. La pièce échappe à nouveau au contrôle de Pharoah qui d’habitude ne joue pas dans cette cour- là. On se croirait dans certaines pièces de John Surman, qui fait ça très bien. Pharoah lui aussi du coup, mais on ne l’attendait pas sur ce terrain, une pièce d’atmosphère inattendue mais pas incongrue, finalement.
La petite pépite de l’album serait plutôt « The Ancient Sounds », là c’est carrément bon, on retrouve un peu de cette « spiritual music » dont il a été si souvent l’un des meilleurs dépositaires. Tout est bien en place et tout va, Pharoah se lâche enfin, grâce également au travail de Bill qui fait merveille ici, dans les arrangements et la production, onze minutes hors du temps, c’est pas si mal finalement, il n’y en a pas tant, des albums qui vous accordent çà, au bout du compte…
L’album se termine sur une pièce signée de Zakir Hussain et de Pharoah, autour d’un thème de musique hindoue, où Zakir chante et dialogue avec un instrument trafiqué, peut-être le soprano de Pharoah ?