Sweet Deceiver
6.6
Sweet Deceiver

Album de Kevin Ayers (1975)

À tout ceux qui vous vendent du rêve pour remplir ce trou...Guru banana

Kevin n'est jamais là où vous l'attendez. Il ne refait jamais deux fois le même album et ici les explorations prog sont absentes. Chaque chanson est ciselée, comme seul Kevin sait le faire avec humour et grand art. John Peel disait de Kevin: “ Son talent est si aigu que vous pourriez pratiquer une opération oculaire avec celui-ci...” Les sessions de SD donnèrent l'occasion de jouer avec des gens avec qui il n'avait jamais joué auparavant. Et sa consistance et son charme sont bien au-dessus de la plupart des albums de ses contemporains


“Depuis le temps vous devriez savoir qu'il n'y a pas de volontaires pour le bien commun”.. chante Kevin dès l'ouverture dans Observations, un rock qui frappe avec ce brin de mélancolie dans le chant...devant l'impuissance et la stupidité des hommes.“ Nous attendons encore l'apparition du Sauveur et il n'est toujours pas là...et tu es le seul qui puisse accomplir cela mais ton esprit est vide et tu as perdu le contrôle à celui qui te vend des rêves pour remplir ton trou ” Une perle...


La suite logique est le guru...oui Guru Banana...“Qui est celui avec un sourire sarcastique et qui nous dit qu'il va sauver la race humaine ? Oui amène-nous au Nirvana ”une dérision de tous les gurus si en vogue durant les 60's et les 70's. Le piano d'Elton John est parfait...“suck it to me once again...amène nous au Nirvana...je suis un guru , tu es un guru ” Une joie. Et cette clarinette si jolie...


La Valse De La Cité et sa déprime , et sa fausse célébration...Une chanson qui a des allures de chanson de Pub anglaise avec son chorus festif. L'accordéon et la guitare acoustique font écho, avec douceur, aux paroles vitriolique encore une fois. Mais Kevin , contrairement à Hammill, ne traite que très rarement ces sujets existentialistes par la noirceur. Il le fait dans la joie, le contraste est saisissant. D'ailleurs quand il est venu chez moi en 93 avant le concert de Montréal , j'ai voulu mettre du Hammill et il n'en n'était pas question. Il détestait sa musique. L'opposé insoutenable.


Toujours La Voyage s'ouvre encore avec l'accordéon et le piano en cascades d'Elton est parfait...C'est une chanson tirée d'un rêve, de ses heures et ses minutes qui s'étirent lancinantes...la reine de nos rêves, celle dont la joie perce toujours et nous fait chanter ...et elle n'écoute que toi...comme c'est fignolé, de la grande orfèvrerie . Ollie Haircut (dit Halsall) fait flotter sa guitare pleine d'héroïne sur la chanson...magnifique....ce solo qui n'en finit plus tout doux, on en veut encore...mélangé à l'accordéon...qui a dit que c'était pas du prog ?


Sweet Deceiver est courte et incisive... Pour un soir Kevin ne souffre pas de sa douleur, le piano de Bob Boshell, un peu discret, et la guitare de Ollie sont enlevants. Court et efficace .


Diminished But Not Finished est si bien montée. Kevin nous avoue qu'il n'a jamais su écrire une chanson d'amour en en créant une parfaite. Et dans la musique et dans les paroles!


Circular Letter est absolument fascinante dans les paroles...Kevin reçoit des lettres lui demandant de joindre tel ou tel club...“ Il les aimes toutes, tant de clubs à joindre, toujours la même version de la pièce de monnaie. Faites ce que vous voulez avec vos convictions, je crois en toutes...”Il n'accepte aucun club, aucun guru...jusqu'au jour où il reçoit une invitation pour joindre un club: “Rendez-vous où nous vous tirerons”. La chanson est si bien écrite et le piano d'Elton John enlevant, on souhaiterait qu'il ait travaillé plus souvent ensemble tant Elton comprend et est à l'aise dans l'univers de Kevin. Par moments on se dit que cette chanson aurait sa place sur l'album Blanc des Beatles...


Once Upon An Ocean renvoie à la partie Beach Bum de Kevin Ayers, sœur musicale de Caribbean Moon et autres chansons du sud dont Kevin a le secret. La joie d'une danse sur la plage avec des paroles tordues, humour British : Notre bateau coule et on s'en fout... The Muscle Shoals Horns avec ses cuivres donnent le côté festif à la chanson.


Puis le trésor de l'album: Farewel Again. Ollie prend sa guitare acoustique et le morceau s'envole. les paroles concluent toute la thématique de l'album...de l'être humain perdu en lui même et dans ce monde... Kevin en nous parlant (et en soliloquant aussi) rejoint l'universel:“ Your problems are my problems too” La guitare solo de Ollie est somptueuse de richesse. On voit à quel point le guitariste de Patto , donna sa pleine mesure avec Kevin.


La réédition comprend un concert à la BBC très intéressant où l'on peut apprécier un Kevin Live à son meilleur. Un vrai bonus ici avec Ollie à la guitare, différent de l'album, mais pas d'Elton John.... Le band est rock, les chansons directes, une urgence de coké , un psychédélisme des 60's par moments, une unité chirurgicale en effet... Observations dure une minute de plus...et Farewell Again une minute et demie de plus et très différente mais superbe... la version d'Interview est dévastatrice...je vous disais un vrai 30 minutes de bonus...


Oui effectivement cela devient de plus en plus dur à chaque fois qu'on doit dire au revoir...au revoir encore...au-revoir pour toujours Kevin (RIP)


Farewell Again...tu ne vendais pas du rêve , tu en donnais... et tu remplissais mon trou...Vive la banane !

RockNadir
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le 19 juil. 2020

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