Ten Years of Tears par orchidee
Il est facile de passer à côté de Arab Strap. Moi-même, j'ai failli.
Les critiques ce n'est pas tellement mon truc (c'est ma première), mais comme celle-ci me paraît importante à faire je vais vous raconter mon expérience avec ce groupe. (Ten Years of Tears étant une sorte de best-of/collection de faces B sanctionnant la fin de la carrière d'Arab Strap de 1996 à 2006, je me permets de vous faire ici une review plus générale de ce duo.)
La première fois que je l'ai écouté, c'était lorsque je cherchais des groupes écossais. Un de leurs titres faisait partie d'une playlist quelconque, mais ne m'ayant pas fait forte impression, je suis rapidement passée au suivant dans la longue liste de groupes talentueux de cette nation et j'ai fini par oublier ce groupe.
Et puis, un jour, un ami écossais m'a parlé d'Arab Strap en disant simplement que c'était "peut-être le meilleur/pire exemple de l'expérience écossaise, ils sont incroyablement sombres et répugnants, mais aussi bizarrement beaux. Fais attention."
J'ai décidé d'y jeter un oeil plus attentif, avec les paroles cette fois.
Et j'ai été prise dans une espèce de spirale où je n'écoutais qu'eux pendant des heures.
Alors effectivement, ce n'est pas immédiatement accessible. Leurs mélodies n'ont rien d'entraînant au premier abord, très minimalistes (moins vers leurs derniers albums) et le chanteur marmonne plus qu'il ne chante. En plus, on ne comprend rien à ce qu'ils disent puisqu'ils ont un fort accent écossais. Mais si on prend le temps de regarder les paroles en même temps qu'on écoute, on découvre tout un univers, fait de déceptions amoureuses, de sexe médiocre, et de beaucoup de pintes pas chères. Ca se passe généralement le soir dans les pubs et les clubs de Glasgow, ou le matin dans des draps sales. Ils racontent des vies pitoyables sans se cacher, lâchant des mots crus au micro avec une instrumentation sans fioritures et parfois crasseuse. Mais ils sont fascinants. Pas seulement parce qu'il y a un côté jouissif à toute cette misère (avec juste assez d'humour et de second degré pour ne pas penser qu'ils se vautrent dans la complaisance), mais parce qu'il y a quelque chose de réellement beau et triste dans ces paroles franches, des petites loses insignifiantes de la vie de tous les jours aux évènements plus dégueulasses.
"J'appréhende un peu le fait que t'écoutes Arab Strap", a-t-il dit plus tard, "ça te donnera peut-être envie de partir d'Ecosse en courant."
Ecouter obsessivement des situations sordides et des relations foireuses lâchées avec un accent rugueux, ça laisse en effet dans un état étrange.
Mais si les premiers albums ont une ambiance de gueule de bois, ils commencent à voir le bout du tunnel vers les derniers : leurs instrumentations se font plus riches, les morceaux plus variés, et il y a même un peu d'espoir dans les paroles. C'est alors, après avoir marqué la scène alternative écossaise des années 90, que le groupe s'est séparé, jugeant révolues les années d'errance et de la peur d'aimer ("Philophobia" étant le titre de leur 2ème album).
Créée
le 6 mai 2016
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