Il y a des albums comme ça qu'on aime sans vraiment savoir pourquoi. Ils n'ont rien d'exceptionnel à première vue, ni à seconde, d'ailleurs. Et pourtant, ils ont une façon d'entrer dans votre cœur sans frapper et de s'installer aussitôt à la place d'honneur. Comment font-ils ? Bonne question.
Pour moi, l'un de ceux-là est ce Tennent & Morrison, premier album du duo composé de David Morrison et John Tennent, sorti en 1972. Qui sont-ils ? Internet offre remarquablement peu d'informations à leur sujet. C'est assez ironique que l'on connaisse davantage les musiciens qui les accompagnent, aux premiers rangs desquels le bassiste Herbie Flowers et plusieurs membres de Stone the Crows, dont Jimmy McCulloch (futur Wings).
Enfin, même si l'on ne sait rien des chanteurs, reste les chansons. Étant bâti autour de solides mélodies à la guitare acoustique, je suppose qu'il faut appeler ce disque « folk », mais les claviers de Ronnie Leahy confèrent à la musique une dimension chaleureuse et accueillante, évoquant tantôt des soirées pluvieuses au coin du feu (Keep My Secrets), tantôt des après-midi brillamment ensoleillés (Tomorrow It Might Rain). La veine générale est apaisée et mélancolique, mais certains titres font la part belle au groove (I Should Have Known Better, I Can't Imagine). Les paroles qui viennent se greffer là-dessus n'ont rien d'exceptionnel, traitant sans génie de sujets classiques : solitude, amours déçues, fatigue du monde. Pour conclure l'album, un léger vernis classique vient se déposer sur Death in a Distant Country et lui confère une allure tranquillement épique, presque nickdrakienne. Elle n'aurait pas déparé sur Five Leaves Left.
En fin de compte, je pense qu'une bonne partie de mon amour pour cet album vient de l'obscurité totale qui l'entoure. L'inconnu est toujours fascinant, surtout quand il cache d'aussi jolies choses.