Il y a peu, en cherchant sur le net des renseignements sur Daevid Allen, le feu-follet de Gong, je suis tombé sur quelques lignes rappelant le rôle qu’il avait joué auprès du groupe Can Am des Puig en aidant à la production de leur premier album. Après quelques tours de piste sur la platine je me suis replongé dans l’écoute attentive de ce groupe mythique dont on parle finalement assez peu. Il y avait autrefois sur le net quelques pages en Français, très détaillées, qui racontaient par le menu l’aventure de ce « Book of AM », malheureusement ces lignes se sont perdues dans la toile, je me suis donc plongé dans l’introduction de l’ouvrage pour récupérer quelques renseignements autobiographiques.
Comme souvent avec les groupes de musique psychédélique, il est question de rencontres et de voyages, ici pas d’exubérance ni de scandale, juste une histoire d’amour entre Juan Arkotxa, basque d’origine, et Leslie Mackenzie, ces deux là se rencontrent à Edimbourg et décident de rejoindre Les Etats Unis puis de s’installer à Madrid, nous sommes en 1972 et Franco tient la barre d’une main de fer… Bien vite ce monde leur semble étroit et étriqué, la société de consommation se fissure et laisse apparaître un grand vide. La jeunesse bouge et agite des idéaux, on parle alors beaucoup de révolution et de spiritualité, les concepts libertaires se mélangent avec une quête de la sagesse et un retour vers les valeurs de générosité et de partage.
C’est décidé, notre couple se débarrasse de ses biens matériels et s’en va sur la route des Indes à l’intérieur d’une camionnette, se joignant à la longue cohorte des rêveurs qui vont à la rencontre d’un autre monde. La route confine vite au chemin initiatique, la musique, la peinture, la rencontre de nouvelles religions et de la philosophie orientale emplissent bien vite la vie des voyageurs. Un grand sentiment de partage, de tolérance et d’entraide, au milieu des fumées et des plantes psychotropiques, anime ces derniers hippies qui, c’est sûr, font un voyage sans retour !
Ce voyage sur la route des Indes se montrera très riche en événements et en rencontres, particulièrement à Bodh-Gaya au Népal, pendant les fêtes du Nouvel an : « Nous sentions que TOUT comprendre était à notre portée ! » Tels les cueilleurs d’autrefois ils amassèrent une mine d’information, d’écrits, de documents, de peintures, de témoignages historiques, poétiques et religieux, s’ouvrant au grand TOUT. C’est ce travail de collectage qui servira de fondation à ce que sera « The Book of AM ».
De retour en Europe ils s’installèrent, comme beaucoup de hippies, à Ibiza, alors désertée par ses habitants qui rejoignent les grandes métropoles. Ils se lancent dans un lent travail sur les gravures, deux livres sont fabriqués autour de trois parties : Matin, Après-midi et Soir. Des chansons et des poèmes sont également intégrés, l’idée maîtresse est d’identifier les points communs entre les religions occidentales et orientales. Hélas lorsque le « Livre de Am » fut terminé, mi -77, ils durent faire face à une immense déception, les techniques d’impression étaient alors impuissantes à reproduire les subtilités et les fines nuances des gravures !
Ils décidèrent de retourner à Ibiza en passant par Deià (Majorque). C’est là qu’ils rencontreront des auteurs, des musiciens et Daevid Allen qui transformera pour eux sa maison en studio d’enregistrement, les produira et leur permettra de signer avec Celluloïd à Paris. Un premier album sera gravé, ils décident de prendre le nom de « Can Am Des Puig », Can Am était le nom de leur demeure à Ibiza et « Des Puig » signifie « la colline », là où était perchée la maison de Deià où ils enregistrèrent la partie une de l’album à un tirage limité de 500 copies.
Ce second tirage a été limité également à 500 exemplaires chez Wah-Wah records, en 2006, avec les deux parties (Dawn, Morning et une chanson d’Afternoon) sur un double- album, il comprend également le volumineux livre de 154 pages avec les textes et les illustrations. Les deux dernières parties sont parues sur un double album, dans la même maison, d’édition en 2013, il comprend Afternoon et Evening.
A Ibiza il n’y avait pas l’électricité alors les instruments sont principalement acoustiques, même si on peut entendre sur l’enregistrement final le français Jean-Paul Vivini jouer du synthétiseur. L’Acid-folk que nous proposent les albums est composé essentiellement à partir d’une base improvisée sur laquelle les textes provenant du « Livre de Am » sont chantés, ce matériau servira de base à la création des morceaux tels qu’ils figurent sur les enregistrements finaux. C’est une musique envoûtante qui conjugue des influences provenant du folk Irlandais ou Écossais, de la musique Orientale, des ragas, des rythmes tribaux, avec aussi bien sûr une saveur basque…