The Diabolic Procession par 122
Ne mentez pas : on a tous pensé la même chose en regardant cette pochette avec cette procession funèbre et cette église qui brûle, ce nom de groupe, ce titre d'album, et ce putain de tracklisting. Ce qui nous vient à l'esprit, c'est : tiens, un disque de Black Metal.
Alors évidemment, le temps de le sortir de son écrin, de l'insérer dans le mange-disc et de presser "lecture", on se plaît à imaginer le cliché du black-métalleux lambda, maquillé à la truelle, adepte du cuir noir et des préceptes satanistes, en train de ruminer au fond de sa dépression chronique qu'un jour, il tuera la terre entière (ou au moins sa salope de voisine et ses chats pourris, ainsi que l'entraîneur de foot qui s'était payé sa gueule en 1992, bon début pour un massacre total).
Et puis une fois LECTURE appuyé, stupeur : le sataniste est sur sa moto, une grosse moto ! Il a une bière à la main et la vitesse dissout son maquillage, offrant à la douce brise la peau de son vrai visage. Quel est ce sourire sur ses lèvres ? Peut-être qu'il est content parce qu'il va aux putes, ou tout simplement parce qu'après tout, eh oui, la vie est belle !
Putain, ce n'est pas du black metal, C'EST DU HARD ROCK.
Et le pire, c'est que c'est génial.
Démarrage en trombe sur Ecclesia Novorum Innocentium, qui donne immédiatement le ton de l'album, avant tout musicalement parlant, mais également au niveau du concept ; car il s'agit en effet d'un album-concept construit autour d'un livre, Deus Lo Volt!, et plus particulièrement d'une légende dont il parle : la Croisade des Enfants.
Il s'agit de l'histoire tragique de deux enfants-prophètes, l'un allemand, l'autre français, qui tenteront en 1212 d'aller tout seuls bouter de l'Infidèle. S'ensuivirent pour eux de nombreuses mésaventures dont la famine, l'esclavage, la mort... ne furent pas des moindres (bah ouais quand même). Le fait que cet album parle de croisades est à rapprocher du terrifiant terme de "croisade" utilisé par Bush Jr. lui-même pour nommer son combat. "L'engrais idéal pour un album-concept metal" avoue le chanteur dans une interview.
Et donc, nous voilà dans le bain, les croisades, tout ça (après tout, les croisades, ça sent la bière et la sueur, comme une convention Harley).
Et l'album est super bien foutu, plein d'influences hard rock et heavy metal sont mêlées avec goût.Sepulchre (qui cause de l'avertissement du roi Philippe aux sus-cités enfants) continue d'envoyer sec dans la lignée du premier morceau, puis on débouche sur Orphans of Doom où chaque vers de couplet est ponctué par des choeurs étranges (ou peut être des harmoniques artificielles ?), le tout sur un mid-tempo enlevé avec de sympathiques solos là où il faut.
Arrive Millenialism où l'ambiance change, s'adoucit. Le morceau, un des meilleurs, est plus mélodique, plus travaillé. Le hard rock lorgne ici autant vers le blues que vers Bach ou Beethoven, en restant simple et sans grandiloquence.
On repart sur un ton bien plus énervé sur l'entraînant Legions of the Oriflamme, où derrière les syllabes bien détachées, on sent se profiler un hymne. Là encore (comme sur tous les morceaux, mais c'est particulièrement tangible ici) les solos simples et non-excessifs contribuent à densifier les structures tout en étant ressemblants entre eux, ce qui confère une unité légitime à l'album. Légitime, car l'album raconte une histoire...
Très belle intro folk instumentale pour The Elusive Miracle, titre lourd et lent au début, mais qui accélère progressivement. La chanson est peut-être un peu longue, mais l'effet est réussi, surtout lors de la reprise finale.
Et voilà, quand Heinous Corpus démarre, aucun doute : Bible of the Devil fait du "Bible of the Devil" ! on reconnaît les accords et le son typiques des guitares, le chanteur qui crie un peu tout dans les médiums, la basse qui rumine en suivant la mélodie des grattes, et le batteur qui fait son boulot tranquille sans faire chier personne, comme un brave chien fidèle. Judas Ships déçoit un peu, accumulant trop les clichés du heavy pour ne pas faire doucement ricaner...
Et puis la superbe intro "prog" de Slaves, chanson de clôture, arrive. On pense aux vieux Genesis (période Peter Gabriel) ou aux Doors. On oublie qu'on vient de s'ennuyer pendant cinq minutes et on écoute ce morceau très réussi, ni vraiment rock progressif, ni vraiment hard rock... peut-être les deux ? En tout cas une outro parfaite pour cet album génial, qui annonce peut-être un tournant décisif dans la carrière du groupe, qu'on se met soudain à regarder avec des yeux avides en demandant : à quand la suite ?
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