The Fool
7.3
The Fool

Album de Warpaint (2010)

Malgré son titre, The Fool a tout d'un album de génie

Il n’est jamais évident d’écrire sur un album que l’on chérit au plus profond de son être. C’est ce que je vais tenter de faire avec The Fool, premier album de Warpaint. Après un EP des plus... exquis (les fans comprendront), le groupe poursuit son chemin avec The Fool, dans la lignée de leur précédente sortie. Cet album marque cependant un changement dans la line up de Warpaint, avec l’arrivée de la (brillante) batteuse Stella Mozgawa. Malgré cette récente arrivée, les quatre musiciennes semblent déjà avoir une incomparable alchimie, le jeu de Stella se mariant à la perfection avec la basse de Jenny Lee et plus généralement à la musique éthérée du groupe. Mais tout ceci est assez général, qu’en est-il du contenu de l’album ? Et bien on retrouve un savant mélange de dream pop, rock alternatif, shoegaze, new wave, et donc un tout aussi savant mélange de nobles influences : The Cure, Cocteau Twins, Radiohead, mais aussi Massive Attack, Bjork (c’est bon ou je rallonge la liste?). The Fool contient donc 9 sublimes morceaux à la croisée des genres cités plus haut, à commencer par…

· Set Your Arms Down instaure d’entrée de jeu l’ambiance de l’album. La basse est mise à l’honneur dès l’intro, bientôt accompagnée d’une batterie saccadée jouée par la guitariste/chanteuse Theresa Wayman, qui n’hésite pas à changer d’instrument pour nous montrer son talent. Une ambiance éthérée est instaurée par les nappes de voix, le chant d’Emily et les guitares plongées dans la reverb/le delay. Le morceau avance tranquillement mais sûrement jusqu’à un brusque virage : la ligne de basse devient carrément dub (qu’est ce que c’est trippant !), les autres instruments s’emballent également pour un final haletant. On en redemande, et ça tombe bien puisqu’il reste encore 8 morceaux.

· C’est parti pour Warpaint, de Warpaint, malheureusement pas sur l’album Warpaint. L’atmosphère est plus sombre, le son des guitares évoque de suite The Cure, cité plus haut. Emily Kokal et Theresa Wayman chantent différentes lignes de chant, apportant une certaine richesse harmonique. Le tout se met en place, laissant présumer un changement qui vient enfin avec un mémorable passage instrumental : la section rythmique est tout simplement dingue et les guitares hypnotiques. Le chant n’est pas spécialement mis en avant et est plutôt utilisé comme un instrument, Emily et Theresa chantant en harmonie, une norme chez Warpaint. La structure du morceau est complexe, presque progressive, sans être le moins du monde chiant, au contraire. Après de magnifiques mélodies vocales toujours harmonisées, à la fois rêveuses et très pop, le morceau se conclut sur des guitares qui n’ont jamais été aussi atmosphériques et cristallines, le tout porté par le groove de Stella et Jenny, ne faisant qu’un. Ce titre est juste énorme.

· Undertow est un grand classique du groupe. Le morceau est porté par une basse très présente. Cette fois ci les voix sont en avant, ce qui n’est clairement pas une mauvaise idée vue la splendeur des harmonies (oui encore une fois). Après une première partie de morceau qui justifie d'emblée le statut de "classique" dans le catalogue du groupe, Jenny Lee nous sort une ligne de basse venue d’on ne sait où alors que le morceau décolle. Le même commentaire s’applique d’ailleurs à la partie de batterie, tandis la guitare est empreinte de mélancolie. Les musiciennes de Warpaint sont connectées et nous livrent une fin orchestrale d’une rare beauté.

· Le morceau suivant, Bees, introduit de la tension à la musique de Warpaint avec son pattern de batterie programmé et le son comme noyé de la basse et de la guitare tandis que Theresa interprète un chant au caractère mystérieux. Le refrain est énergique, groovy et tout aussi sombre. On sent les influences trip hop de Massive Attack avec notamment le gros son de basse distordu. On est emportés par la succession des passages, mêlant de créatives parties de guitare à des voix lancinantes tel un essaim d'abeilles. Le morceau nous hypnotise tout du long par son ambiance inquiétante.

· Shadows a également une identité sonore propre, avec une guitare acoustique fortement modulée. La chant de Theresa laisse apparaître sa vulnérabilité ("I know I’m afraid, I’m drunk and I’m tired"). Shadows fait preuve d’une magnifique mélancolie, avec ses accords de piano aigus dont les répétitions créent une nappe sonore aux côtés de la reverb de la voix et de la guitare. La basse et la batterie, hautement dynamiques, apportent un contraste très intéressant et rendent le morceau encore plus poignant tandis que la voix de Theresa gagne en assurance et s’envole vers un registre plus aigu. La musique de Warpaint est en tous points captivante, tout en finesse et en subtilité.

· Composure démarre après un furtif appel de batterie. Comme souvent dans la musique de Warpaint, les instruments s’expriment sans qu’aucun n’ait réellement le dessus, il y a une vraie alchimie. Changement de tempo, la batterie et la basse sont liés et jouent à toute vitesse, la guitare se ballade dans les aigus, les voix se mélangent et tout s’enchaîne à un rythme effréné, en totale cohérence. Le talent du groupe est indéniable. On repasse à un tempo plus lent à la suite d'un break de batterie plongé dans du delay, puis le morceau s’éteint après une sorte de jam planant.

· C’est l’heure de la sublime ballade folk avec Baby. Pas besoin d’une tonne d’effets pour que Warpaint nous touche en plein cœur, la preuve avec Emily et sa guitare acoustique (bon il y a toujours un paquet de reverb mais il n’y en a jamais assez). La musicienne nous apaise avec son chant cristallin, bientôt rejointe par Theresa et même Jenny. Warpaint sait définitivement varier les ambiances et le fait judicieusement.

· Retour à une ambiance plus mystérieuse avec Majesty, agrémenté par ce qui semble être un son venant d’un synthé modulaire agissant comme un élément rythmique. Ce titre s'est révélé au fil des écoutes pour ma part. Le morceau prend le temps de s’installer, puis débouche sur un refrain majestueux, c’est bien le mot. Une fois n’est pas coutume, tous les membres du groupe s’expriment autant les uns que les autres mais au lieu d’une cacophonie, tout est à sa place et les musiciennes, en symbiose, nous livrent une géniale fin instrumentale.

· Lissie’s Heart Murmur vient clore l’album, le piano est mis à l’honneur. Ce piano, qui sonne plein d’espoir, est contrebalancé par la basse qui adopte un ton grave. Le charme de Warpaint réside dans cette mélancolie présente sur l’ensemble des titres. À une des voix est appliqué un traitement singulier mais qui colle parfaitement au morceau. L’effet donne l’impression que Theresa chante sous l’eau ("I went looking, went searching under the water. Sinking and pushing, till you pulled me under", tout est donc parfaitement étudié). Les slides qu’effectue la basse sur quelques mesures rappellent encore le thème de la mer, on navigue sur des eaux tumultueuses de la même façon que Jenny navigue le long du manche de sa 4-cordes. Stella brille une dernière fois à la batterie, entamant un rythme improbable mais terriblement cool auquel absolument personne n’aurait pensé. Les voix vire-volettent au loin alors que le morceau (et donc l’album) s’achève brutalement.

Avec The Fool, Warpaint se montre à la hauteur après l’EP Exquisite Corpse. Les compositions sont toujours aussi exceptionnelles si ce n’est plus. Leur complexité vient du fait que le groupe a l’habitude de faire beaucoup de jams, c’est ainsi que sont façonnés leurs morceaux. Aussi sur cet album, Warpaint semble mieux maîtriser son son, même si leur vision sonore sera pleinement réalisée sur l’album suivant, sobrement intitulé Warpaint, qui sortira 4 ans plus tard.

MB_Drums
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le 23 juin 2022

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