Bennie Maupin – The Jewel In The Lotus (1974)
On pourrait faussement faire remonter l’histoire de cet album à la sortie du mythique « Biches Brew » de Miles Davis, car, sauf erreur, c’est lors de cet enregistrement que se rencontrèrent deux des principaux protagonistes de cet album, en mille neuf cent soixante-dix, le maître des claviers souvent électriques, mais pas que, Herbie Hancock lui-même, avec le saxophoniste Bennie Maupin, à l’initiative de cet album assez hors normes.
Ce qui fait la singularité de cet album, c’est son appartenance presqu’ exclusive à la « spiritual music », mais pas au sens de John Coltrane avec sa quête fiévreuse, éperdue, pure et sans répit, mais plutôt au sens d’Alice, dans la prière, la vénération et la contemplation, d’ailleurs les symboles ne manquent pas ici, jusque dans le titre, où l’on évoque le lotus et la sagesse hindoue.
Du coup, malgré qu’il semble vouloir jouer dans le registre de la facilité que pourrait attendre l’auditeur peu averti, il n’est pas si aisé d’accès, se situant plutôt dans une sorte d’avant-garde du genre. Il est aujourd’hui l’un des albums ECM les plus recherchés dans sa version originale, offrant huit titres pour un total de quarante-cinq minutes. On le trouve désormais facilement en Cd, il y a eu en effet une réédition en deux mille dix-neuf.
Outre Bennie et Herbie, il y a l’immense Buster Williams à la contrebasse, Billy Hart à la batterie côté droit et Frederick Waits côté gauche, Bill Summers aux percussions et le trompettiste Charles Sullivan intervient sur « Mappo » et « Excursion ». Ici la musique se joue dans la retenue et l’improvisation structurée, son champ est l’espace et la durée, l’éloge de la lenteur et la recherche de la beauté.
Cet album pourrait se décrire comme un voyage ou une illumination, la pièce « Past + Present = Future » semble se livrer comme une promesse, une mutation vers quelque chose de meilleur, qui tient au mystique, à la foi. Puisqu’il faut du sacré, le jazz sera le chemin, la voie qui vous guide, douce, claire et lumineuse, pleine de grâce et de beauté.
Dans un tel contexte l’idée même de leader est une hérésie, la musique est l’affaire de tous et chacun y apporte sa pierre avec son cœur, la musique est jazz même si elle s’inspire du bouddhisme et se met à son service. D'ailleurs chacun est au service des autres, à l’écoute des autres et joue pour les autres.
Ainsi va ce disque singulier qu’il est doux d’écouter…