The Shining par Anthony Boyer
Jay Dee. Comment présenter ce producteur hors normes ? Dire qu'il se trouvait entre Kanye West et Parrell Williams ne serait pas totalement erroné, mais bien trop simpliste. Car J Dilla est bien plus que cela. Pour les deux susnommés, il fut en réalité une référence d'importance. Ayant oeuvré tant au sein d' A Tribe Called Quest que sur les opus de son groupe Slum Village, ce bonhomme originaire de Detroit aura fait partie des plus éminents producteurs de Hip-hop. Il a travaillé massivement sur le 'Like Water for chocolate' de Common, et produit pour de nombreux artistes parmi lesquels on peut compter Busta Rhymes, Talib Kweli, The Pharcyde ou encore De la soul...
Mort en février 2006, J Dilla laisse derrière lui un bien bel héritage et 'The Shining' en est un digne représentant. Pourtant, le pire était à craindre. Car que penser d'un album posthume de six mois ? Au niveau du casting, Busta Rhymes et Common sont de la partie, toujours fidèles aux postes. Mais ce que l'on attend, c'est de savoir si les productions sont à la hauteur du bonhomme.
Sur le premier morceau, Busta nous exorte à évacuer les lieux sur un beat des plus lourds et envoûtants. Suite à ces deux petites minutes d'introduction, on peut être en droit d'attendre quelque chose de plus que correct. Dès le deuxième morceau, on sait que l'album tiendra ses promesses. Common répand son flow tel un venin, qui couplé au beat, s'injecte direct dans la poitrine. Le corps tremble, la tête oscille involontairement d'avant en arrière. Peut-être est-ce cela l'aliénation par la musique ? Suite à cette ébauche d'énergie, le superbe 'Love Jones' vient continuer l'envoûtement. Un simple titre instrumental d'un peu plus d'une minute avec des trompettes qui restent dans la tête. L'art des plus grands producteurs réside probablement dans la capacité à transmettre beaucoup en créant peu : l'art de la simplicité en somme. Sur la plage quatre, les choeurs et les cordes résonnent en nous comme ce refrain incessant qui ne cesse de nous donner envie : 'We must be in love !'. Puis sur 'Baby' produit par Madlib, on se rappelle étrangement l'influence qu'a pu avoir Dilla sur Kanye West. L'influence change ensuite de tour, avec 'Jungle love' on a une une production à la fois lourde et épurée qu'un Pharrell n'aurait pas renié. Le huitième titre est une instru dans une veine plus obscure. Puis une batterie, retentissante de charleston, nous fait vibrer comme il faut juste avant d'entamer un morceau aux consonances r n'b. 'Dime Piece' est un bonbon dont le sucre adoucit l'ambiance de cet album. On en vient à songer aux collaborations de Jay Dee avec d'Angelo au sein de The Soulquarian's. Puis Common revient enchaîner ses lyrics sur un beat pour le moins original. 'Won't do' clôt parfaitement cet album fabuleux.
L'éclat indiscutable de cet album porte fort bien son nom. 'The Shining', n'est cependant pas un titre anodin pour deux sous puisque tout au long de l'album on retrouve des extraits du film de Stanley Kubrick avec la voix de Jack Nicholson qui revient constamment, toujours aussi menaçante.
Il s'agit là une pièce maîtresse à posséder impérativement, sans compter que cet opus semble être un des plus accessibles de la discographie du producteur de Detroit. Ce disque peut trôner fièrement aux côtés du 'Champion sound' fait en collaboration avec Madlib, se hissant par là même aux côtés des meilleurs albums de hip hop des années 2000. Ce faisant, 'The Shining' mérite amplement sa place au sein de la discothèque idéale de hip hop.