Dernière pièce en date du projet Ayreon, The Theory of Everything en est peut-être aussi l'effort le plus abouti. Arjen Anthony Lucassen tourne la page de la science-fiction et du concept qui reliait chacun des précédents albums pour attaquer quelque chose de complètement nouveau.
Le concept de l'album est plutôt complexe mais raconte l'histoire d'un jeune prodige autiste autour duquel gravitent plusieurs personnages : un père obnubilé par sa volonté de résoudre l'équation de la "Theory of Everything" qui unifierait les forces de l'univers, une mère aimante désespérée, un professeur bienveillant, un psychiatre peu scrupuleux, une fille amoureuse et un rival jaloux de son génie.
Sans rentrer dans les détails, c'est une histoire tragique et qui se repose beaucoup sur des personnages très construits et magnifiquement interprétés ; un casting réduit mais de qualité qui comprend notamment Marco Hietala (Nightwish), Cristina Scrabbia (Lacuna Coil), John Wetton (King Crimson) ou encore la moins connue mais décidément très craquante Sara Squadrani (Ancient Bards). Comme d'habitude, Lucassen arrive à tirer le mielleur de chacun des chanteurs qui font tous une interprétation très convaincante de leurs personnages.
Mais cette fois-ci, les guests les plus prestigieux sont peut-être les instrumentalistes, parmi lesquels on compte le guitariste Steve Hackett (gensis), et les claviéristes Rick Wakeman (Yes), Keith Emerson et Jordan Rudess (Dream Theater) mais aussi beaucoup d'instruments plus folks avec par exemple Troy Donockley à la cornemuse.
Ce qui fait de cet album quelque chose de plus abouti, c'est son caractère très cinématographique. La classique structure en chansons laisse place ici à quatre parties qui voient s'enchaîner diverses scènes. Il y a une réelle construction scénaristique avec un prologue qui se situe chronologiquement à la fin de l'album, ainsi que des ellipses temporelles. L'album s'appuie beaucoup sur des dialogues auxquels la musique fait écho. Le scénario, bien qu'assez peu grandiloquent pourrait être celui d'un film sans modification majeure (et la BO est déjà prête).
Car en effet, alors que sur certains albums précédents comme Into the Electric Castle c'était le scénario qui était au service de la musique, ici c'est la musique qui est au service du scénario. Et c'est là que le style si éclectique de Lucassen révèle toute sa pertinence, les influences metal, prog, électro, folk se mettant au service des différents tons et ambiances. En fait, c'est aussi ce qui rend l'album exigeant et peu accessible : comme Scenes from a Memory de Dream Theater et comme d'autres albums reposant beaucoup sur le concept il demande un exercice inhabituel, une attention profonde, non à la musique, mais aux paroles.
The Theory of Everything est sûrement encore aujourd'hui mon album préféré sur l'année 2013 de par la grande cohérence et richesse de son concept, histoire originale, )à la fois simple, tragique et humaine. ce qui ne veut pas dire que l'aspect musical est oublié, bien au contraire grâce notamment aux invités et à la cohérence dans l'éclectisme qui est maintenant la règle dans les compositions de Lucassen.