C’est après cinq longues années d’attente que Arjen Anthony Lucassen nous revient avec The Theory of Everything. Un nouvel album qui marquera un certain tournant dans la discographie du projet Ayreon puisqu’il débute un tout nouveau scénario. Eh oui, là où les précédents étaient plus ou moins connectés, nous racontant des histoires liées les unes aux autres, The Theory of Everything s’impose comme le commencement d’un autre récit plus terre à terre, plus riche en émotion et s’affranchissant de la science-fiction pourtant si chère à l’auteur.


Un album peut être un peu plus accessible dans ce cas ? On serait tenté de le penser, pourtant ce n’est pas vraiment le cas. Inutile d’aborder ToE de manière frontale en se disant : « allez, à nous deux maintenant ! » car vous serez écrasés devant une telle densité. Une complexité qui pourrait en dérouter, voire en décourager, plus d’un. Un album d’autant plus difficile à aborder qu’il est construit autour de 4 morceaux, faisant chacun plus de 20 minutes, dans lesquelles les mélodies fusent, les thèmes se répètent, et il y a de quoi se perdre. Comme à l’accoutumée, c’est progressivement et avec le temps que Ayreon révèle son plein potentiel, et ce sont ceux qui ne se noieront pas lors de la première écoute qui émergeront de cet océan de mélodies, afin de trouver la lumière de ce phare lointain qui les guidera à travers ce ToE.


Mais croyez-moi, l’effort en vaut la chandelle et l’expérience s’avère enrichissante. Arjen nous raconte ainsi l’histoire du Prodige, un jeune génie des mathématiques dont l’esprit est hélas lointain et nébuleux, bridé par cette incapacité à organiser ses pensées. Vous le comprenez peut être, il s’agit en réalité d’un autiste, dont le potentiel sera finalement découvert par son professeur. Entouré d’une mère protectrice et d’un père absent, trop obnubilé qu’il est par ses équations et cherchant désespérément la clé de la Théorie du Tout (la théorie physique qui pourrait décrire le fonctionnement de notre univers en unifiant les forces que nous connaissons), le Prodige obtiendra finalement un médicament censé le soigner de son mal, le rendant enfin capable d’utiliser son plein potentiel. « But every great genius is touched by madness »


Je n’en dirais pas davantage concernant l’histoire dans cette partie. Toujours est-il qu’on suivra avec grand intérêt le déroulement des événements. Un scénario aussi captivant que peut l’être celui d’un excellent film, dont l’autre intérêt réside clairement dans les personnages et les relations qu’ils tissent entre eux. Chacun d’eux s’avère attachant, profond, et c’est finalement à travers ces divers protagonistes que passera l’émotion. Tout ceci étant permis par le génie de Lucassen, et sa musique toujours aussi pertinente.


Eh oui, car la musique est au cœur même de l’émotion véhiculée par ToE. L’arrivée d’un personnage aux intensions malsaines amènera son lot de sons graves et lourds, alors qu’un passage plus calme sera accompagné de mélodies plus douces. Comme d’habitude tout est étudié, et ce ne sont pas les thèmes récurrents qui reviennent aux moments opportuns qui vont me contredire. On notera par ailleurs que l’album est plus instrumental, les pistes de 20 minutes permettant probablement à Arjen de réaliser ces petites coupures musicales. J’ai le sentiment également d’un album aux sonorités peut être un peu plus électroniques, et clairement moins métal. Tout ceci sans perdre de la variété habituelle du projet Ayreon avec ces passages de flutes, de violons et de sonorités plus celtiques.


Mais pas d’inquiétude, car la part belle est une nouvelle fois faite aux chanteuses et chanteurs qui interprètent chacun leur personnage de bien belle manière. Que des nouveaux dans Ayreon, certains connus, d’autres moins, mais dont le talent n’est désormais plus à prouver. Au nombre de 7 (loin des 17 du précédent album), ce sont eux qui donnent réellement vie à ToE, en partant parfois dans des prouesses vocales bluffantes. Si je regrette quelques envolées trop aigues, et ce pour plusieurs personnages, je dois admettre que le niveau de chant reste excellent, Arjen étant parvenu à tirer le meilleur de chacun de ses guests. Bref, une musique au sommet, au service d’une histoire très intéressante que je vous recommande de découvrir.


Car finalement, si ToE n’a pas le souffle épique d’un 0101001, il éveille en nous quelque chose de plus profond, des sentiments humains que la musique parvient rarement à insuffler. Malgré tout, il reste un album difficile à appréhender, presque épuisant, un album que je conseille donc d’apprécier à tête reposée dans un premier temps, à prendre comme il vient afin de s’en imprégner peu à peu. Il ne restera plus alors qu’à ouvrir ce magnifique livret, dévorer les paroles et plonger dans le même temps dans cette belle histoire en espérant peut être y trouver la clé de cette fameuse Théorie du Tout.

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le 4 déc. 2013

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