Deux saxos et une touche d'electro

Inventé en 1846 par Albert Sax, le saxophone est un instrument à vent qui a la particularité d’être considéré comme appartenant à la famille des bois, bien qu’étant conçu en métal. D’abord utilisé par Hector Berlioz, le nouveau-né peine à percer dans les orchestres en dépit des efforts de son concepteur pour le promouvoir. Cependant, sous l’impulsion de Coleman Hawkins, il fera la joie des jazzmen des années 1920.

Par la suite, le saxophone s’intègre dans des styles de musique très divers. C’est ainsi que dans la première moitié des années 2010, la vague tropical house des artistes électroniques tels que Bakermat, Klingande ou Klangkarussell en fait un instrument de prédilection. Il est aussi très présent dans l’electro-swing de Parov Stelar. Quel que soit le sous-genre, il apporte une touche jazzy savoureuse à la musique électronique.

Compte tenu de ce passif, c’est une idée brillante de prendre les choses à l’envers et, en tant que saxophonistes, d’apporter une touche électronique à son jazz. Tel est le pari gagnant de Moon Hooch, un groupe qui a fait son entrée en scène en jouant au Metropolitan Museum of Art (« Met ») de New York. Deux saxos et une batterie : telle est la formule de base de ce groupe de Brooklyn pour créer un album virevoltant et passionnant.

Avec l’ajout de sonorités électroniques issues du logiciel Ableton et des petites touches d’instruments supplémentaires, le jazz aguerri mais plus classique de leur premier album Moon Hooch prend de l’épaisseur. Les frontières avec l’electro sont brouillées sur ce This is Cave Music dont le titre revêt des allures de manifeste. Qu’est-ce que cela signifie ? « Cave music is a wild, primal, and predominately acoustic approach to house music or club music. This is the concept of Moon Hooch as it began back in 2010, when we would busk in NYC with a minimal setup of 2 saxophones and a drum kit », explique le groupe.

Le style de Moon Hooch présente en l’occurrence une ressemblance marquée avec le dubstep. Et pour cause : l’une des plus géniales trouvailles du groupe est d’avoir su recréer le fameux son de la wobble bass du dubstep à partir d’une clarinette basse. Cette idée leur est venue en s’inspirant de recherches de Schoenberg sur l’atonalité.

Sur « Saint-Louis », l’un des meilleurs titres de l’album, la complémentarité entre les deux saxophones – l’un jouant une mélodie rapide faite d’allers-retours, l’autre quelque chose de plus lent et libre – et la façon dont ils sont soutenus par la clarinette basse est particulièrement délicieuse. Après un intermède soliste, la dernière partie plus dance du morceau jouant sur la phrase « You don’t need anything but love » est aussi captivante.

Et ce n’est pas le seul moment où Moon Hooch atteint des sommets. « 5-Sax Piece » et « Rainy Day », enchaînement parfait, procurent un sentiment d’ivresse. La première expurge pour cela tous ses nerfs façon Whiplash tandis que la seconde assume son côté clubbing. C’est donc un cocktail totalement inédit que cette cave music à la virtuosité marquante, dessinant des reliefs précis entre graves et aigus, pauses et emballements.