Bass – Donald Garrett, Lewis Worrell
Drums – Beaver Harris
Saxophone [Tenor] – Archie Shepp
Trombone – Roswell Rudd
Malgré qu’il soit sorti en 69, cet album est lui aussi issu des concerts de San Francisco, il prolonge donc le précédent, on y retrouve fort logiquement les mêmes accompagnateurs. Les faces A et B sont présentées avec deux titres différents, cependant il semble établi qu’il s’agit bien du même morceau coupé en deux, suite à l’impossibilité physique de le présenter sur une seule face. Avec l’apparition du CD les deux albums seront regroupés sur le même support intitulé Live in San Francisco et, de cet album, ne restera que le nom du morceau…
Archie Shepp ici est excellent, il se démène telle une boule d’énergie fantastique tout au long de son improvisation, il relance sans cesse ses courtes phrases, sans fléchir, défrichant avec pugnacité, explorant les moindre parcelles, revenant sur ses pas pour mieux repartir, allant toujours plus loin, reculant les limites, avec frénésie, au bout du souffle, l’effort est physique, donner de soi, toujours, toujours, les doigts sautent, courent, escaladant et descendant la colonne d’air, en un mouvement continuel, saccadé, obéissant de façon aveugle et instinctive aux pulsions créatrices de cette âme farouche aux expériences bien trempées.
Alors ? Alors, c’est plutôt derrière que ça coince, on a l’impression que Shepp tire à lui seul la charrette et que derrière ça ne pousse pas. Non pas que Beaver Harris soit déméritant, il se démène avec générosité, sans avoir l’exubérance d’un Sunny Murray ou la puissance d’un Elvin Jones par exemple, mais il assure sa partie, semblant se démultiplier. C’est plutôt côté basses que ça coince, les deux bassistes manquent de volume, sans doute une prise de son un peu lointaine aggravée par un manque d’équilibre, particulièrement sur la première face.
Sur la seconde face Archie Shepp se met au piano, vers la fin du morceau, soutenant l’excellent Roswell Rudd dans son effort, comme s’il fallait renforcer la section rythmique, rééquilibrer la machine. On pense alors à The Magiq of Ju-ju où, dans un élan comparable, une pléiade de percussionnistes a su alimenter sans cesse la boulimie rythmique nécessaire à l’alimentation dévorante de l’ogre Shepp !
Cet album est donc plein de passion et d’intensité, Archie se situe à un tel sommet qu’il se retrouve, hélas, un peu seul ! Un jalon important de son évolution musicale juste avant l'indispensable Mama too tight.