A une époque où ils étaient très proches, Valérie Lemercier et Bertrand Burgalat ont fait un disque.
C’est Valérie qui a fait les paroles et c’est Bertrand qui a fait les musiques.
Ce disque était destiné à être chanté par une actrice de téléfilms (Vanessa Demouy) qui ne l'a pas trouvé à son goût. Tant pis pour elle. Tant mieux pour nous.
Car Valérie a décidé qu'elle le chanterait elle-même.
Et c'est ce disque qui sera le premier produit par le label Tricatel, étrenné concomitamment par Bertrand.
Valérie Lemercier, surtout connue pour ses pitreries télévisées (en interviews ou même dans le très loufoque feuilleton Palace ) et pour ses rôles de bourgeoise snobinarde et coincée (dans Les Visiteurs, par exemple). Accessoirement pour ses one-woman-show (je dis accessoirement, car son refus catégorique de voir ses spectacles filmés a forcément limité son audience ; eh oui ! qui peut se vanter d’avoir vu un de ses sketches à la télé ? A part un gros menteur, bien sûr...).
En résumé, disons que pour le public lambda, Valérie Lemercier c’est principalement la grande duduche des Visiteurs. Voilà donc notre grande Valérie avec sa belle étiquette bien collée où je pense...
A sa sortie, le disque a donc été présenté et accueilli par les médias comme une bouffonnerie de plus, avec la chanson « Goûte mes frites » comme nez rouge turlututu chapeau pointu.
C’est là toute la cruauté du système et tant pis pour ceux qui en sont restés là.
Car Valérie Lemercier, c’est un personnage beaucoup plus complexe, beaucoup plus profond et beaucoup plus talentueux que ce à quoi on veut bien la réduire.
Ses spectacles ne sont pas qu’hilarants et moqueurs; ils sont également cruels, révélateurs, provocateurs et particulièrement pessimistes. Le tout avec une précision et une acuité redoutables, qui forcent l’admiration.
Dans les chansons de son disque, on retrouve tout ça (Bungalow, Monsieur l’Ambassadeur....) mais aussi et surtout une facette nouvelle, inédite et beaucoup plus personnelle du personnage. Étonnements de l’état amoureux (Quand je l’ai vu, Dormir dans ton lit...), histoires de mecs entre filles (Goûte mes frites), biographie du succès (95C), souvenirs d’enfance (Le cheval en savon) et hymne à Paris (Paris secret)...
Il y a énormément de tendresse sous un humour en forme de voile pudique.
Ces paroles attachantes et intelligentes sont mises en musique de façon magnifique, dans un esprit et un son gentiment kitsch-easy-pop : années 60/70 à fond, trompettes, orgues Hammond, basse, métallophone, choeurs dabadabada et tout le toutim.
Et même si le chant est parfois approximatif, on est touché par la sincérité, l’amour et la pudeur qui émanent de ces dix morceaux frais et délicieusement typiquement-féminins.
A écouter après s'être bien nettoyé la tête et les oreilles de tous ses préjugés.