Un de mes premiers chocs of the pop !
1974, un samedi soir sûrement, sur l’écran noir et blanc du téléviseur familial, deux énergumènes à l’allure relativement inquiétante émettent une musique complètement folle. Il y a un petit échevelé-ébouriffé-frisé, sur le devant, qui se dandine au micro et, en arrière plan, derrière un clavier, un grand échalas, mèche/ moustache à la Hitler et une poupée à un doigt (j’entends encore mon père à la fois navré et amusé diagnostiquer « il doit avoir un panaris »). Et cette musique complétement folle : orgue, coups de feu, guitares électriques, percussions…sur laquelle le petit imprime sa voix aiguë, tempo haché, hurlements de castafiore …et qui s’achève d’ailleurs comme un opéra. Subjugué. J’étais subjugué, sans savoir qui étaient ces deux numéros , ni d’où ils sortaient ni comment s’appelait ce morceau. Ce n’est que des années plus tard que j’ai pu faire le lien entre ce souvenir et le fabuleux « This town ain’t big enough for both of us » des frères Mael, alias les Sparks.
Ron (le grand maigre) et Russel (le petit) Mael sont américains. D’abord Halfnelson au tout début des années 70, ils sont rapidement devenus Sparks (étincelles !) car leur maison de disques leur reprochait qu’ils n’en fassent pas assez précisément, des étincelles. Leurs deux premiers albums (dont l’excellent « A woofer in tweeter’s clothing » en 72) n’ayant donc pas fait de prouesses commerciales, c’est de l’autre côté de l’Atlantique qu’ils sont venus faire éclater leur exceptionnel talent. A Londres, en 74, vous pensez bien que la vague Glam-Pop était toute disposée à accueillir de nouveaux excentrique de cette trempe ! Alors c’est sur les bords de la Tamise qu’ils ont écrit et enregistré leur meilleur album d’une excellente série de cinq en cinq ans. Dans le sillage des Bowie-Ziggy, des Roxy Music, des Marc Bolan-T-Rex, des Mott The Hoople, nos Sparks ne déparent pas, bien au contraire : ils apportent une pierre fondamentale à l’édifice, une sorte de fraîcheur à base d’humour, d’invention et de tempos plus sautillants, plus légers…annonciateurs de la musique électronique à venir. Car les Sparks ne sont pas des rockers pur et durs : ils sont ouverts à toutes sortes de musiques, de styles qu’ils vont développer (avec plus ou moins de bonheur) tout au long de leur carrière (qui dure encore aujourd’hui).
Kimono my house, album brillant par sa variété, par l’excellence des mélodies de Ron, par l’originalité des interprétations de Russel (quelle voix !) et par la force qu’il dégage, est assurément l’un des grands albums oubliés des seventies.
Enfin, oublié…pas pour tout le monde, parce que je peux vous dire qu’à son écoute attentive, on constate combien sont venus y récupérer des pièces…