Ayant récemment découvert qu'il était devenu chose courante d'accoler les musiques électroniques dansantes - mais à tendance expérimentale borderline - du mystérieux qualificatif "alternative clubbing music", je me suis demandé de quoi relevait la chose précisément. A quoi ça ressemble de la musique-sur-laquelle-tu-danses-mais-pas-vraiment ? Sans aucun doutes à Weightless. La jeune productrice espagnole JASSS a entamé sa carrière de DJ il y a deux ans à peine qu'elle sort déjà un album à l'ambition marquée. Une première écoute agréablement surprenante a suffit à me pencher plus en détail sur cet album aux multiples sonorités.
JASSS est de prime abord sur le terrain de la techno industrielle. Mais l'artiste ponctue sa musique de rythmes tribaux ingénieux, de samples instrumentaux et field recordings savamment dosés, parfois relatifs au domaine du jazz par certains aspects, avec des influences orientales venant tempérer la férocité de certains tracks techno plus directs mais loin d'être conventionnels, sans oublier les vestiges du mouvement post-punk des années quatre-vingt qui l'accompagne.
Les festivités s'ouvrent donc sur une introduction longue de dix minutes, où l'on retrouvera des percussions métalliques qui accompagneront l'auditeur pour l'heure à suivre. Seulement, le morceau s'emballe au détour d'une boucle de synthétiseur, qui annonce la techno sombre et méthodique de la piste suivante, Oral Couture. Danza s'ouvre ensuite sur un beat lascif, auquel vient s'ajouter des échos de guitare arabiques (Oud, Bendir, j'en ai pas la fichtre idée) qui viennent apporter une vibe de dark jazz opportune, le tout saupoudré des percussions tribales, le leitmotiv apparent de l'album. Cotton for Lunch continue sur le thème du jazz, cette fois ci grâce au son lointain d'une mélodie jouée au saxophone, le tout dans cette atmosphère ténébreuse qui est désormais bien implantée. Vient alors le morceau titre qui paraitrait même embrasser une certaine idée de la coldwave moderne au moyen d'un synthétiseur, couplé au rythme techno lancinant qu'on croyait avoir perdu depuis ces deux derniers morceaux. Theo Goes Away ne manque pas de reposer l'auditeur avec son drone spirituel, de même que l'étrange sensation de calme et de chaleur procurée par le bourdonnement âpre de Instantaneous Transmission Of Information, avant que la réalité ne le rattrape au moyen d'un closer bruyant doté de samples voix féminines à la limite du malsain.
Cet album est en définitive un coup de coeur auquel je ne m'attendais pas le moins du monde. Chaque morceau est distinct du précédent et du suivant, chaque piste nous offre une nouvelle idée, développée avec une créativité terrible. JASSS ne se répète jamais, ni ne se foire jamais, et c'est principalement là la force de Weightless. Voilà un premier album qui témoigne d'une inventivité déconcertante. Il paraitrait même que la musicienne s'est dégoté une résidence hebdomadaire au Berghain : Dettmann et Klock s'apprêtent à affronter un adversaire de taille dirait-on.