A7
6.6
A7

Mixtape Street de SCH (2015)

Juste une petite phalange, en espérant l'arrivée du doigt.

J'attendais impatiemment A7 pour voir si Sch allait réellement faire ses preuves après une année passée à faire monter son buzz avec des sons qui mélangeaient une sombre nervosité et un style plus exubérant, presque festif, toujours touché par un relatif mauvais goût (même si il se retrouvait plus dans l'esthétique développée via ses clips que sur un point purement musical), et bien sûr traversés de ces fameuses prestations vocales fascinantes qui me faisaient déjà rêver d'un album en collaboration avec Niro (autotuné) avant même d'attendre un projet solo du garçon. Sans compter que sa plume était étonnamment efficace et convaincante : belles formulations et bon maniement de jeux sur la répétition de sons dans les syllabes ("du respect pour le paternel on se donne ce que le temps nous permet puisque le temps nous ternit"). Alors oui cette recherche de répétitions c'est un peu le lot de tous les rappeurs mais lui fait ça sur un niveau plus subtil et discret, avec une meilleure justification textuelle, on est pas dans de l’esbroufe à la Nekfeu.


Grande surprise et déception donc de voir après deux sympathiques morceaux d'ouverture dans la droite lignée de la direction artistique évoquée le bonhomme partir sur un autre chemin, inattendu, qui fera la grande majorité de la mixtape : des morceaux atmosphériques à base d'instrus planantes avec des refrains qui prennent plus de la moitié du morceau et une écriture qui s'appauvrit en recherchant plus une musicalité qui s'accorde avec le son qu'un texte intéressant. Sch abandonne le flow sec de rat à dents serrés et ses backs autotunés déments pour des histoires de "BALOUWÉS" en boucle et de quasi-chansonnette qui diminuent grandement l’intérêt des intonations si particulières responsables en grande partie du charme de son rap d'extra-terrestre. Les seules fois où ça marche c'est sur J'reviens de loin qui trouve enfin une mélodie emballante vibrant d'un réel investissement émotionnel ("on a tant erré dans des rues pas nettes.... touuuuus leeees soiiiiiiiirs.....") après une série de morceaux chiants au possible qui se ressemblent tous, et Gedeon, bonne synthèse et mélange de ce nouveau style avec celui qui a fait sa réputation, qui donnera d'ailleurs le morceau le plus efficace et obsédant de l'album. Et en dehors de ça, on a quoi ?


Mauvaises Idées, un des rares morceaux "à l'ancienne" qui là ne marche pas faute à un travail bâclé et peu inspirant; Liquide, réunion avec le frérot Lacrim, initiateur du buzz en ayant fait croquer le marseillais sur sa brûlante mixtape RIPRO vol. 1, très banal; Pas de manières et Drogues prohibées, sons clubesques vieillots et complètement pétés.


Il reste alors juste le grand morceau de l'album, Gomorra, honteusement séparé de son intro située juste avant dans la tracklist, ce qui n'a aucun sens, l'intro ne marchant pas en tant que morceau seul et Gomorra démarrant alors en plein sur une note pas finie et sur Sch qui commence directement à rapper, nous laissant pas le temps de souffler. J'imagine bien que ça a été fait exprès pour que les impatients puissent lancer le son automatiquement dans le feu de l'action et c'est vrai que ya aucune saute entre les deux sons et que les enchainer fait exactement comme si on écoutait la version originale mais n'empêche qu'un choix comme ça est ridicule et mal vu.
Mais bon, comme je le disais, on tient là le grand morceau de Sch, pas le meilleur mais le plus ambitieux, un son d'ampleur où il laisse s'exprimer tout son potentiel vocal pour donner une grande expressivité à un texte franchement bien pensé, fait de phrases en apparence simples mais empruntes d'un fort potentiel évocateur.


Mais l'essai reste malgré tout raté, l’intérêt de Sch résidant dans la reprise de thèmes classiques (on a trop connu la disette il faut chiffrer pour s'acheter des belles choses) avec un style qui à défaut d'être particulièrement novateur avait le mérite de mettre en avant une attitude plus audacieuse, extravagante et indifférente au regard très conservateur du public de rap de tess, le voir se lancer dans quelque chose d'aussi plat et insipide est forcément décevant.


Il lui reste tout de même l'honneur d'avoir sorti un album dominé par un ton aussi sérieux et sincère (sons planants étant bien sûr synonyme d'introspection et de textes déclamés les yeux fermés, traversés par de pures impulsions de tristesse énervée qui donnent l'impression que Sch va brusquement se mettre à craquer et à pleurer, je pense spécialement au dernier couplet de Champs-Élysées, magnifique) là où il aurait pu juste finir par caricaturer son image de rappeur bouffon, ce qui montre bien que derrière sa singularité toute particulière se trouve un artiste avec une vision claire de ce qu'il souhaite faire.


J'espère donc que cette vision s'affinera et se poursuivra, elle ne peut être que bénéfique pour tenter de développer la liberté de création et d'attitude d'un milieu sectaire ainsi que l'ouverture d'esprit de son public.


C'est par contre dommage qu'elle vienne au final d'un mec qui semble être aussi stupide en interview, qui déclare pouvoir vendre père et mère pour quelques salopes et dont je suis sûr que les rumeurs comme quoi c'est une pouccave sont fondées.

PrincesseSaphir
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le 16 nov. 2015

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