A Black Box
7.4
A Black Box

Album de Peter Hammill (1980)

La boîte noire fouette nos brouillards londoniens

Retrouvée une boîte noire dans un océan n'est pas une mince affaire. La métaphore est ici saisissante. Tout individu possède sa boîte noire, profondément enfouie , au fond de ses abîmes. Hammill veut découvrir la sienne et cette expédition, se fait, à peu de choses prêt, seul.


Golden promises a quelque chose de Nadir et ouvre l'album avec ses drums horribles. C'est là le principal problème de l'album (les drums) et c'est bien dommage. La chanson est bonne mais Hammill n'est pas un batteur et le son qu'il a choisi sur lesdits drums est horrible. Dommage car le squelette de la chanson est bon et la guitare électrique aussi.


Losing faith in words s'ouvrent sur des synthétiseurs ultra-doux et la voix de Hammill suit mais très vite la force envahit le chant et celle-ci se promène du cri à la rage. Les drums sont encore le grand problème de ce superbe morceau. Hammill révèle les limites de la communication jusqu'à l'impossibilité de communiquer. Il faut écouter les versions live seul au piano pour avoir toute l'amplitude de ce morceau si riche.


Jargon King est un summum apocalyptique sur le même thème de la difficulté de communiquer. C'est peut-être le seul morceau bien servi par les drums. Ici le chaos du morceau, le sentiment total de désorientation linguistique , auquel Hammill reviendra sur Incoherence, est assez hallucinant. Je me souviens de ma réaction à la première écoute: un déboussolement total. Vous voulez du prog? en voici!


Puis le chef d'œuvre de la première face : Fogwalking... ici Hammill touche au génie ! Entrer dans les brouillards de Londres ou dans ses propres brouillards? dans la no-go-zone ! tel un chien errant Hammill se perd dans tous lesdits brouillards, il sent en lui une présence semblable à celle de In The Black room....et le brouillard respire dans sa tête, les nerfs du cou se tendent, impossible de trouver une défense. Il faut voir à quel point cet atmosphère de Jack l'Éventreur est ici rendu avec maîtrise ... Les sonorités en aller-retour donnent le vertige et Jaxon, ce génie soumis à Aladin-Hammil, entre en collision de façon vertigineuse avec les horreurs cauchemardesques intérieures du maître du suspense. Oui Hitchkock n'est pas loin et les rues sont hantées par des gens apeurés qui courent, car le couvre-feu est ici une bénédiction...Il faut entendre à la fin comment Hammill chante White Chapel (ce quartier de Londres où sévissait Jack) ! (en passant les drums tiennent la route sur ce titre)


The Spirit est aussi un grand morceau qui s'ouvre sur une guitare acoustique vite superposée par l'électrique. L'esprit de la chanson ne peut être niée et Nadir frappe à la porte encore une fois ! Superbe titre. Le corps peut bien nous lâcher , devenir un traître, mais The Spirit ne peut être nié ! Le solo de guitare électrique me plait. Les drums simples servent de façon très primaire le morceau.


In Slow time est effectivement très lent. Très Frippien à la guitare, très déroutant avec ce chant un peu frigorifié. Il faut voir le vidéo fait à l'époque ! Oui dansons jusqu'au spectacle. Thème revisité sur In A Foreign town d'ailleurs. (Sun City Night life). La perdition, l'abrutissement des pistes de danse mais ici avec un morceau pas dansable dans les discothèques.... Et vraiment on jurerait Fripp à la guitare.


The Wipe, le fouet, est assez hallucinant! Je ne crois pas que jamais ce morceau ait eu une quelconque diffusion hertzienne! C'est vraiment un coup de fouet au milieu de l'album ! Une chambre de tortures à la In Camera...On en sort le cerveau lacéré et le corps raidi ! Fin côté1 ouf!


Flight est LE morceau de bravoure , un côté complet pour se perdre dans l'âme et les tripes du chanteur. S'ouvrant sur un piano magnifique, la voix s'élève intime, majestueuse, brisée sur : “breaking” paradisiaque et en chorale sur la suite, on sait tout de suite qu'on vient d'entreprendre un voyage colossal. 41 ans plus tard, cette ouverture me couvre encore de frissons des pieds à la tête.....la délicatesse du piano et de la guitare acoustique sont de pures merveilles. Puis cette montée est fabuleuse....seule la faiblesse du drum, encore une fois, nous fait retomber sur terre un peu...


Et puis la basse introduit les synthés fous, voilà donc la folie de retour avec : “The White came fandango”...Où va l'homme quand la crampe du cerveau apparaît, essayer d'écrire une carte postale sur un timbre -poste ? On plonge , l'avion s'emballe, le crash est là ! Si on survit au vol , le futur fonctionnera bien. Mais rien n'est ni noir ni blanc nous rappelle Hammill...difficile de le croire avec tant de folie déployée! La musique est si assourdissante...


Mais la radio est morte et le calme revient, les contrôlleurs aériens devraient remettre l'avion sur la piste.... Mais personne ne vient voir l'artiste et la chorale des voix donne une bouffée d'air frais, chance céleste au pilote...


Les orchestrations qui précèdent : “All i have is crack out words” sont magnifiques et Jaxon fait un petit quatuor à lui seul... On assiste à une symbiose parfaite, encore, entre ses 2 musiciens...


Mais la chose ne dure pas, l'avion s'emballe, le pilote a perdu le nord dans une rythmique pop qui vire au black-out rapidement. Et les dés sont lancés, le jeu du serpent et celui de l'échelle...comme la vie avec ses hauts et ses bas...On se promène à différentes altitudes jusqu'à la chute, la force de l'attraction...nous entraîne encore dans les abîmes... Il faut prendre sa chance, l'espace est ouvert, les vers à soie se pointent...quand le ballon se dégonfle, quand tout sombre...rien n'est plus ce qu'il appert...Rien n'est rien....Hammill nous le crie et la musique aussi...Bienvenue dans le cauchemar, Alice Cooper a l'air d'un enfant suçant son bonbon de carton pâte d'Halloween en comparaison....


Le calme revient , les anges chantent : “Il y a quelque chose dans chaque chose si seulement nous pouvions les nommer ” et tout cela n'est qu'un jeu de l'esprit et de notre ADN....Point de retour du futur sur aujourd'hui... Nous sommes tous en chute libre, et Hammill touche au grandiose avec : “Life-death night-day -cold breath will surely flie away .... C'est l'empire des sensations emprisonnées en moi, dans la froideur.... cela défie l'imagination de voler sur des ailes et sur une prière....Ici maintenant, qu'arrivera-il ? Tout ce dont je suis sûr c'est que ceci est la fin....”


Avec cette finale grandiose, Hammill écrit ici sa dernière grande partition vertigineuse, de celles dont on se remet jamais...Là où les paroles et la musique font une telle fusion qu'on habite son volcan intérieur et que nous retrouvons nos propres flammes.


Seul un immense artiste touche ainsi à des sommets célestes et des abîmes aussi vertigineux ! En ouvrant sa boîte noire Hammill nous révèle la nôtre.


Pris d'un vertige devant tant de nudité, ouvrez cette boîte noire , seul, les sensations cachées à l'intérieur de vous pourraient défier vos communications, votre imagination, votre course vers l'avant... Point de retour possible ...Which will be then ?




PS: Certaines versions live comme celles du K-group sont très bonnes, surtout enfin pour le drum, mais Jaxon manque...je crois que la version ultime de Flight n'a jamais été endisquée , surtout pas par le nouveau VDGG!...well there be no looking back....

RockNadir
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le 17 mai 2021

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