A Cappella porte bien son titre : aucun instrument n'y accompagne la voix de Todd Rundgren. Les vingt premières secondes de Blue Orpheus, une série de vocalises dignes du Our Prayer des Beach Boys, ne seront donc pas une surprise. Mais ce serait mal connaître le sorcier (la vraie étoile) que de s'attendre à un album de chants polyphoniques, et une rafale sonique vient mettre un terme à cette tranquille introduction. Oui, A Cappella est un album a capella, mais pas comme les autres. Armé de son expérience de producteur et de bidouilles techniques à n'en plus finir, Rundgren transforme sa voix ici en ligne de basse, là en rythme de batterie, ailleurs en nappes de synthés ou en piaillements de guitare, dans une infinité de samples et d'overdubs… La première écoute sera déroutante, à n'en pas douter.
Avec un tel gimmick, il aurait été très facile de livrer une parfaite assiette de soupe à l'eau claire, 40 minutes uniformes et sans saveur. Le piège n'est pas totalement évité : les ballades Pretending to Care et Lost Horizon n'ont pas grand-chose d'intéressant, comme tant d'autres ballades pondues par Rundgren dans les 80s. Mais le reste s'avère étonnamment varié et plaisant : la rythmique martiale de Johnee Jingo trouve son contrepoint dans le swing de Hodja, et la deuxième face du disque est un sans-faute qui enchaîne un single irrésistible de légèreté (Something to Fall Back On), un voyage mystique qui semble lorgner du côté de Healing ou du Caravan d'Utopia (Miracle in the Bazaar), un délire pyrotechnique qui n'aurait pas dépareillé sur A Wizard, a True Star (Lockjaw), un touchant interlude réellement a capella (Honest Work) et un gospel comme conclusion (Mighty Love).
Je suis le premier surpris que cet album ne soit pas une simple déconnade entre deux trucs plus sérieux.