Dans la catégorie des inconnus aux bataillons, des groupes que t’écoutes sans trop y croire parce qu’une recommandation s’est encore perdue dans ta boite mail, je demande Earthside. Sauf que cette fois ça t’a décalqué la tronche. C’est venu sans prévenir, mais la marque est là, indélébile. Stupéfait, tu te dis qu’il faut que t’écrives un truc sur cet album. Tu sais pas trop quoi, encore. Mais t’écris. Parce qu’il est hors de question qu’il sombre dans l’oubli.
Amateurs de prog’ : écoutez A Dream In Static ! Vous ne serez pas déçus du voyage.
Formation toute récente composée de quatre instrumentistes talentueux [euphémisme détecté], Earthside accouche de son premier album, A Dream In Static, dans un style qu’ils nomment « cinematic rock ». Et quel album ! Empruntant au post rock, au djent, au symphonique et à l’atmosphérique, voilà un pur bijou du metal progressif comme je n’en avais pas entendu depuis longtemps. Un mélange des genres brillants, une foultitude d’influences dont l’alchimie opère dès le premier morceau. La technicité est mise au service de mélodies chargées d’émotion qui te baladent entre passages éthérés et riffs bien musclés.
A Dream In Static ne souffre d’aucune fausse note. L’instrumentation y est d’une précision remarquable. Calculs savants et minutieux ou pur instinct musical ? On ne saurait dire si l’album tient plus du génie mathématique ou du génie intuitif, à moins que ce ne soit justement cette fusion des deux aspects de la musique qui permet d’atteindre un tel niveau.
Quand on écoute les pistes instrus, on se demande si c’est pas juste ça la musique ? Ce dialogue muet entre les instruments, lorsque les riffs répondent aux percussions, couvrant le murmure continue de mélodies sur lesquelles vient se greffer le Moscow Studio Symphony Orchestra. Alors quid du chant dans cette line-up composée uniquement d’instrumentistes ? A Dream In Static compte quatre morceaux chantés, soit la moitié du total, et ils valent leur pesant de cacahuètes ! Le groupe fait appel à quelques guests pour compléter le chef-d’œuvre de la plus belle manière. On passera de la force tranquille Lajon Witherspoon (Sevendust) aux envolées lyriques de Daniel Tompkins (TesseracT), la rage grondante de Björn Strid (Soilwork) ou le désespoir hurlant d’Eric Zirlinger (Face the King) qui, chacun à leur manière, vont apporter une véritable plus-value à l’ensemble.
Finalement, on entend pas mal d’influences de ces groupes qui ont donné leurs lettres de noblesse au metal progressif dans ce A Dream In Static. Un soupçon de Pain of Salvation, par-ci du Haken, là du Steven Wilson, Riverside et autres… Mais le plus important, et c’est je crois le meilleur compliment qu’on puisse faire à une formation si jeune, c’est qu’on y entend aussi et surtout du Earthside. Du neuf, une marque personnelle, une identité à part qui laisse penser qu’il va falloir compter sur ce groupe à l’avenir.
A Dream In Static est un album d’équilibriste. Un funambule qui progresse avec minutie, oscillant de droite à gauche, entre chant et instrumentation, entre électrique et acoustique, à la fois lourd et aérien, sombre et lumineux…
Millimétré et imprévisible.
Un album majeur dans la vaste sphère du metal progressif. En accouchant d’une telle œuvre dès son premier essai, Earthside fait preuve d’un talent et d’une maturité qui forcent le respect. Un groupe des plus prometteurs qu’il va falloir suivre de près.