Composé à l’origine pour accompagner un spectacle de danse contemporaine, l’album Dance Hall At Louse Point (1996), crédité à John Parish & Polly Jean Harvey, ne figure même pas dans certaines discographies officielles de la chanteuse abrasive. Il est naturellement devenu le préféré des snobs, celui qu’on redécouvre à un moment ou un autre. Treize ans plus tard, les crédits se sont inversés pour la sortie du galant A Woman A Man Walked By, conçu au moment où PJ Harvey élabore l’accompagnement musical d’une nouvelle création de la pièce de Henrik Ibsen, Hedda Gabler, à Broadway. Il ne faudrait pas en déduire que le tandem qu’elle forme occasionnellement avec son vieil ami et producteur John Parish s’assimile à une récréation de bon goût, en marge du consensus pop rock. Comme son prédécesseur, savant et tout à la fois mal attifé, A Woman A Man Walked By se plaît à confronter les tubes en puissance (Black Hearted Love) et les expériences en devenir (Pig Will Not, qui mêle construction biscornue et retour à un son proche de Rid Of Me, produit en 1993 par Steve Albini). Si Dance Hall At Louse Point était serti de coquetteries – une reprise de Peggy Lee ou un morceau chanté en anglais mais présentés sous un titre en français (Un Cercle Autour Du Soleil), ce sont aujourd’hui le vieux mellotron (Leaving California), le banjo (16/15/14) ou l’exercice de la berceuse (Crack Into Canvas) qui reconfigurent le sens de la composition de nos deux félins (pour l’autre). Bruitiste mais distingué par une production chirurgicale, cet entre-deux invite PJ Harvey à opérer un convaincant retour sur elle-même. Elle susurre, grogne, jappe, bêle, soupire, chante et vocalise comme au premier jour, livre à nouveau des paroles à leur plus haut niveau d’impudeur et le résultat n’est jamais pathétique. Après s’être résignée à finir vieille fille – le poignant White Chalk (2007) et sa musique de carmélite –, Polly la malpolie retrouve une certaine jeunesse, faite d’erreurs (trois morceaux un peu faibles au milieu du programme) et de fulgurances (tout le reste). Définitivement insaisissable. (Magic)


C'était en 1996. "Dance Hall at Louse Point", première collaboration sur disque d'une PJ Harvey qui venait de prouver (avec "To Bring You My Love") que le rock ne se ferait plus sans elle et de son compagnon de route de longue date, John Parish. Un bon disque, assez expérimental, naviguant entre explosions de fureurs et séduction de cabaret, mais qui gardait un côté assez rêche, peu commode - si bien qu'on ne l'a réécouté qu'avec parcimonie.Treize ans plus tard, PJ Harvey et John Parish réitèrent l'aventure, usant de la même recette : musiques de Parish, paroles de Harvey, la production (bien identifiable) étant l'oeuvre des deux. Et une nouvelle fois, les deux protagonistes ne nous caressent pas dans le sens du poil : rock tourmenté, certes, mais aussi beaucoup de ballades inquiétantes dont la tension doit beaucoup à la voix de la chanteuse. Et pourtant, ce disque a quelque chose de plus souple que son prédécesseur, un petit truc en plus qui pousse à le remettre dans sa platine. Il offre en effet, dès le premier titre ("Black Hearted Love", un tube potentiel) plus de repères à l'auditeur : sur "Sixteen, Fifteen, Fourteen", Harvey distille de l'angoisse dans une partie de cache-cache enfantine, "Leaving California" brise tous les clichés sur la Californie... "April" est une ballade étranglée accompagnée à l'orgue, un titre vraiment poignant. La plage numéro 6 enchaîne l'inquiétant "A Woman A Man Walked By" et "The Crow...", un titre digne d' "Ummagumma". La fin est peut-être un peu moins marquante mais on notera tout de même la fureur de "Pig Will Not", titre inspiré du poème "Le Rebelle" de Baudelaire. Et tout au long de ces dix comptines inquiétantes, Parish et Harvey sèment des cailloux aux influences diverses : des sonorités orientales, des rythmiques quasi-tribales, quelques passages évoquent les Pixies ou Sparklehorse, on pense aussi au Velvet de "Murder Mistery" dans le traitement de certaines voix... Et ce bouillonnement permanent, aussi dérangeant qu'attirant et impossible à domestiquer, nous offre tous les ingrédients d'un disque vraiment sauvage ! (Popnews)
La carrière de Polly Jean Harvey s’est souvent construite par des détours musicaux et des prises de risques payantes. Pour autant, PJ Harvey a toujours su garder un contact fort avec les musiciens qu’elle a côtoyé, et notamment John Parish, qui lui avait consacré parmi ses meilleures réalisations, comme le superbe "To Bring You My Love". Si John Parish était aussi présent sur son précédent disque, "White Chalk", il s’occupe aujourd’hui des compositions de "A Woman A Man Walked By". Si ce disque est l’occasion pour PJ Harvey d’essayer plusieurs directions musicales et d’y écrire des textes toujours aussi noirs, qu’elle incarne de différentes manières ; ce qui nous frappe finalement le plus est l'émotion de sa voix qui traverse chacun des morceaux. PJ Harvey nous évoque tour à tour une vieille dame chancelante sur April, ou se réapproprie le phrasé agressif de Captain Beefheart sur Woman a Man Walked By/The Crow Knows Where All the Little Children Go ou encore Pig Will Not. Au détour de Leaving California, PJ Harvey retrouve la voix fluette et introspective ainsi que le piano mélancolique qui avaient fait l’écriture blafarde de "White Chalk". Un jeu de piste commence alors à se dessiner, comme pour mieux évoquer la richesse d'écriture qu'incarne PJ Harvey.

Et ces différentes pistes se révèlent toutes absolument passionnantes à écouter. L’inaugurale Black Hearted Love, qui est aussi le premier single de ce disque, sonne comme une chute de "To Bring You My Love" avec ses guitares rock très nineties alors que Sixteen, Fifteen, Fourteen sonne comme du folk poisseux emporté par un banjo débraillé. Sur The Soldier on y entend un ukulélé, un piano et un mélodica fatigués qui viennent accompagner la superbe voix de PJ Harvey, incarnant avec justesse le destin cabossé du soldat en question. Une ambiance funèbre qui se révèle particulièrement touchante et bouleversante. Après une écriture aussi éclatée, il y a fort à parier que PJ Harvey revienne avec un prochain disque qui n’aura rien à voir avec celui-ci. Mais peu importe, tant ce disque se révèle être un joli chef d’œuvre, un cadeau inattendu dont il est difficile de rester insensible face à une telle classe. (indiepoprock)

bisca
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le 28 mars 2022

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