Mais qu'est-ce qui fait courir Gomez ? Le souffle long, la foulée toujours aussi légère, Gomez enchaîne depuis 1998, et sans montrer de signes apparents de lassitude, des projets tous aussi gracieux qu'enthousiasmants. En effet, non contents de nous gratifier de deux superbes albums à peine en deux ans, les "fab five" de Liverpool assénèrent au printemps un coup fatal aux derniers grincheux avec un Ep d'inédits en tous points remarquables, Machismo. Tranchant nettement avec le maniérisme local, la musique de Gomez s'apparenterait plus aux réflexes de leurs cousins d'Amérique. Le groupe préfère notamment, à l'instar d'un Calexico, une illustration pour leur livret d'album (celle de Reggie Pedro en l'occurrence) aux toujours très complaisantes photos pour faire plaisir aux jeunes filles. Aujourd'hui, le quintette rassemble ses raretés, dont huit inédits, pour nous offrir ce Abandoned Shopping Trolley Hotline. Une opération qui, chez d'autres, aurait une forte odeur de naphtaline, mais qui semble ici indispensable. Loin des préoccupations mercantiles, la pop adulte de Gomez vire en tête, les yeux fixés sur la ligne d'arrivée, qu'on aimerait plus lointaine.(Magic)
On a rarement aussi bien justifié la sortie d'un disque que Ian Ball, l'un des chanteurs de Gomez, lorsqu'il a déclaré au magazine britannique "Mojo" qu'il ne voulait pas être soumis à la tentation, pour les prochains albums de réutiliser ces chansons en lieu et place du futur nouveau matériel que le groupe se promettait d'écrire. Malgré tout, les raisons de s'inquiéter sur la productivité du groupe étaient faibles : "Liquid skin" est sorti à peine un an après "Bring it on" et n'a même pas souffert du traditionnel syndrome du deuxième album, les anglais ayant densifié à la fois leur écriture et leurs arrangements. Si en plus ils préparent du neuf...En attendant, "Abandoned shopping trolley hotline" est un album de B-sides (comme si les faces B existaient encore), raretés, inédits, reprises (en fait une seule : une version rougissante du "Getting better" de leurs illustres parrains de la Mersey) qui fournit à l'auditeur sa dose habituelle de pop sous influence sixties, matinée de guitares sablonneuses et ornementée de la belle voix de fonds de cuve de Ben Ottewell. Les fans (dont je fais partie ; ne vous attendez pas à de l'objectivité) peuvent donc y aller les yeux fermés. Cela dit, les autres aussi- ils trouveront dans ce disque les deux ingrédients qui font de la ratatouille Gomez (c'est curieux comme ce groupe appelle la métaphore culinaire) un mets de choix : d'abord un imparable sens du groove, pas vraiment britannique, ni tellement funk non plus (on n'est pas dans Chic tout de même) mais qu'on pourrait rapprocher de celui que produisait la paire rythmique de Cream Ginger Baker- Jack Bruce et qui change en tout cas agréablement de la traditionnelle alternance classique du rock tension-relâchement ; ensuite la capacité, qu'ils partagent avec Beck, de fondre plusieurs morceaux en un seul tout en conservant à celui-ci sa cohérence et sa densité- voir à ce sujet les impeccables "Flavors" et "Buena vista". Certes un album de fonds de tiroirs mais on aimerait que tous les sommets d'étagères des groupes britanniques soient à la hauteur des fonds de tiroirs des cinq de Liverpool. (Popnews)