Neil Hannon s'est fait couper les cheveux. Et à en juger par la pochette de son septième album, il s'est également débarrassé de l'attirail baggy qui accompagnait en 2001 la sortie de Regeneration. Ça n'a l'air de rien, mais ce retour à un look un peu moins tendance, c'est aussi la promesse d'un nouveau départ. Les dix dernières années n'ont pas été de tout repos pour l'intéressé. Livrer d'entrée de jeu deux disques aussi définitifs que Liberationet Promenadene pouvait que lui attirer les pires ennuis du monde. Accéder au statut de star ne devait rien arranger. Embouteillages de groupies backstage, fanfaronnades surproduites, indigestions orchestrales, épisode vaguement dépressif, reconquête d'une nouvelle crédibili-té, tout cela est derrière nous. Et lui. Absent Friendsne se pose pas comme l'oeuvre de la maturité ou un repli vers un classicisme besogneux. C'est beaucoup plus simple : Hannon retrouve ici le plaisir de chanter, de jouer et renoue instinctivement avec la légèreté des débuts. La joyeuse jubilation a juste laissé place à une certaine mélancolie, à un regard plus mesuré sur les choses. Cette acuité associée à une écriture plus rigoureuse que jamais fait des merveilles. D'autant que Neil a de nouveau envie de raconter des histoires, comme Our Mutual Friend, récit économe mais bouleversant d'une rencontre amoureuse qui tourne court, mis en musique avec une intelligence rare, spirale mélodique riche et entêtante qui s'étoffe jusqu'à l'explosion des cuivres et cordes. Trop content de tenir avec Absent Friends, le single Come Home Billy Birdou The Happy Gothcertaines de ses meilleures chansons, Neil les habille avec soin et générosité, sans surcharge, laissant une large place à la guitare acoustique, aux cordes, vents et clavecin. La production assurée par l'Irlandais lui-même est époustouflante. Il a vu la lumière chez Scott Walker et plutôt que de continuer à l'imiter, il tente et réussit des choses sidérantes de beauté sur Freedom Roadou Sticks And Stones, dont on peut penser que c'était précisément tout ce dont il rêvait pour The Divine Comedy depuis dix ans : un son à la fois charnel, ample et parfaitement dosé. Le disque s'achève sur un Charmed Lifehumble et nonchalant où Hannon s'adresse à sa fille, et jette un lucide regard en arrière. Il peut être fier du chemin parcouru. (Magic)