Touche pas à mon despote !
J'ouvrais péniblement les yeux aux sons d'applaudissements frénétiques et mécaniques. J'étais assis au milieu d'un public bigarré, béat d'admiration devant ce qui se passait devant lui. Les...
le 3 mars 2016
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Le 8 Avril 1994, le blondinet de Seattle se tirait une bastos dans la caboche, éclaboussant le mur de derrière avec des morceaux de cervelle marinés à l'héroïne pure et laissait dégueuler de ce trou béant des litrons de sang et de Rock'n'Roll aussi puissant et sauvage que sa dernière dose de rabla.
Kurt Cobain emportait avec sa dernière balle le cadavre défiguré d'un Rock'n'Roll qu'il avait pourtant aidé à ressusciter et laissait derrière lui une veuve à demi-éplorée, un tapis dégueulasse et des points d'interrogation sur l'avenir du mouvement dont il était le leader.
Le Grunge pendant Baggy et hype du Punk ancestral était venu réveiller un Rock assoupi, noyé sous des litres de Pop mollassonne et de hard Rock permanenté en crachant le mal-être d'une génération dans une déferlante de décibels, de stridences électriques et de relents de bière Américaine fadasse. Le Grunge comme la promesse d'un nouvel avenir plein de bruit et de fureur.
Un avenir musical qui foutrait au rencard les Rockeurs à la papa, qui viendrait mettre de l'ordre dans ta discothèque en balançant aux ordures le dernier Elton John ou le premier Dr Alban et rendrait à tes esgourdes la virginité Rock tant espérée.
Ce 8 Avril 1994 sonne le glas de la renaissance promise et met un terme aux velléités artistiques d'un mouvement devenu trop à la mode pour être honnête.
Après l'explosion Grunge, après l'ouragan Nirvana, la tempête se calme, les vagues se retirent et laissent sur la plage les débris d'un Rock'n'Roll usé jusqu'à la corde et quasiment inutilisable.
Il faudra quelques années (et quelques groupes) pour que l'espoir d'un Rock sans concessions puisse encore poindre au loin, après l'enterrement fracassant d'un genre surmédiatisé et de son ultime et emblématique représentant.
C'est en 1999 qu'un bourdonnement venu de la Motor City vient titiller les oreilles encore en hibernation des amateurs de Rock.
Des couleurs tout d'abord. Du rouge, du blanc apparaissent au loin dans la brume électrique qui plane lourdement sur le ciel de Detroit.
Les silhouettes d'un homme et d'une femme se dessinent. Mari et femme ? Frère et soeur ? L'homme est à la guitare et au chant tandis que la femme s'installe derrière les fûts de sa batterie.
Jack White allume son Marshall à lampes et c'est le Rock qui soudain renaît de ses cendres.
La bête est lâchée. Sa Airline Res-O-Glass de 64 est arrachée de la pierre, du minerai dont on fait le Blues, comme une Excalibur à six cordes. Jack, avec son épée, fait jaillir le Rock du marécage poisseux où il reposait, enseveli sous des tonnes de mélasse musicale et de fausses idoles.
C'est en 1999 que la bombe White Stripes tombe dans les bacs et éclabousse de boue les auditeurs effarés. Le tombeau du Blues est profané par les époux White qui sortent le cadavre de l’aïeul pour le tremper dans la potion magique Punk et ainsi ressusciter le mort-vivant.
Six albums. Six albums pour remettre à neuf le genre. Réveiller le Rock avec une injection d'électricité en intra-veineuse. Sortir ce putain de Rock'n'Roll du salon de beauté et le séquestrer à nouveau dans le Garage.
Six albums qui ont réanimé le mourant et lui ont refilé une gaule pour vingt piges.
Six albums méthadone qui soignèrent la crise de manque des amateurs de gros son du monde entier. Six albums et au revoir.
Meg ne supporte plus la surexposition médiatique et est prise de crises de panique avant de monter sur scène. Les White Stripes ne peuvent plus exister. Les WS explosent.
Les ex-époux White se séparent des larmes plein les yeux.
La belle aventure est terminée.
Mais Jack n'en à pas fini avec la musique.
Le corbeau de Detroit retourne au pays natal débaucher quelques potes à lui pour fonder le groupe Rock / Blues / Folk: The Raconteurs.
Deux albums bourrés jusqu'à la gueule de Country branchée sur le secteur et de Rock pêchu, un voyage initiatique et moderne dans l'Americana de Jack White. Deux réussites indéniables qui amorcent le tournant si délicat de l'après White Stripes.
Le grand Jack part ensuite visiter d'autres univers. Une approche plus alternative, plus underground sera de mise pour son troisième groupe: The Dead Weather.
Il laisse de côté sa six-cordes et s'assoit derrière la batterie (son premier instrument) et offre son micro à la belle Alison Mosshart (The Kills). Trois albums viendront imposer cette formation originale dans le petit monde de l'Indie Rock.
Et enfin c'est en solitaire, sa guitare sur l'épaule, que le bonhomme continue l'exploration des racines musicales de son pays.
Deux albums ( Blunderbuss et Lazaretto ) - inégaux - plus lisses, moins nerveux que ses rugueuses " Bandes blanches". Deux albums léchés, récurés en studio comme de jolis bibelots un peu trop propres; loin, bien loin du poussiéreux Garage où ont poussé les White Stripes.
Alors qu'en est-il de ces Acoustic Recordings 1998–2016 ?
26 titres acoustiques collés sur un double-album. Jack White retrace sa carrière des WS au Raconteurs en douceur, les doigts de pieds en éventail adossé à un tronc d'arbre, sa guitare sèche entre les mains.
Rien de vraiment nouveau sous le ciel bleu "Whitien". On retrouve avec plaisir les sucreries "unplugged" du duo de Detroit ( Sugar Never Tasted So Good, Apple Blossom ou Hotel Yorba). Certains morceaux sont laissés tels quels, d'autres sont remixés avec soin et discrétion, avec l'ajout d'orgues ou de violon Country. Les bluettes Stripiennes s'enchaînent paisiblement pour le plus grand plaisir des fans. Un premier CD sans grande surprise excepté un véritable titre inédit des WS, qui n'avait pas été retenu sur Get Behind Me Satan en 2005, le serein et très éthéré: City Lights.
Une seconde galette plus intéressante dévoile des B-Sides alternatives, des versions entièrement retravaillées et franchement réussies. La reprise "Bluegrass" de Top Yourself ou la version acoustique de Carolina Drama notamment sont de purs bijoux.
Le grand Jack, malgré son obsession du contrôle, confie la prod' de certains morceaux à quelques amis pas piqués des hannetons: Beck s'occupe de Honey, We Can’t Afford To Look This Cheap et T-Bone Burnett de Never Far Away.
C'est à une belle rétrospective que nous invite Jack White. Une rétrospective qui a coupé l'électricité et qui nous éclaire à la chandelle.
Une lumière particulière, différente, qui révèle des zones que la lumière crue de l'électricité ne nous avait fait qu'entrevoir. Une lumière douce et apaisante, plus Folk que Blues, où l'ombre prend quelque fois le pas sur le soleil.
On peut regretter que les grands titres "Punk", les perles Garage crades comme des peignes des Stripes ne soient pas également revisitées et proposées dans des versions originales et détonantes.
Mais ne boudons pas notre (petit) plaisir de retrouver le grand Jack White et son oeuvre sur un double album rempli à ras bord de cadeaux.
Même si on nous avait déjà offert ces cadeaux les années précédentes.
Merci quand même.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste ♪♫...ZBN 2 . La bafouille Pop-Rock !...♫♪.............et Punk !..et Blues !..et Métal !..et Rap !..et Bossa !
Créée
le 28 sept. 2016
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