Alors ça les amis ! Ça c’est ce que j’appelle un concert ! Le concert de référence lorsqu’il s’agit de Dire Straits, ce n’est pas pour rien que la version de Sultans of Swing issue de ce concert a des centaines de millions de vues sur Youtube. S’il fallait une preuve que Mark Knopfler et sa bande sont des musiciens hors pairs, la voici ! Une heure trente de bonheur à écouter un groupe au sommet de son art offrir ce qu’il a de meilleur a une foule en fureur proche de l’hystérie. Le fait même d’entendre le public autant que les instruments contribue à cette impression d’y être, là où la plupart des live cherchent à atténuer le bruit des spectateurs.
Contextualisons ce concert, puisque je me suis engagé à travers mes critiques à faire un tour d’horizon sur le groupe Dire Straits et son évolution. Nous sommes donc en 1983, Dire Straits est en pleine tournée promotionnelle pour l’album Love Over Gold, véritable tuerie aux arrangements monstrueux et aux compositions audacieuses. Avec Love Over Gold, Dire Straits prouve son véritable génie artistique et présage le succès public de Brothers in Arms qui rappelons-le, est un des albums qui s’est le mieux vendu au monde.
Sauf que Knopfler lui, ce qui l’intéresse, c’est de jouer de la musique. Le marketing, il s’en fiche un peu. Ce qui l’aime, c’est sentir la ferveur d’un public en ébullition lorsqu’il joue de la guitare. Et bon dieu, on sent dans ce concert que Knopfler prend un malin plaisir à surprendre son public car avec sa bande, ils se lancent dans un exercice risqué mais réussi haut la main : réinventer ses propres morceaux. A ma connaissance, peu de groupes se permettent de revisiter à ce point leurs propres morceaux. Et c’est là toute la saveur d’Alchemy.
Tout d’abord, cette revisite des morceaux se sent dans l’apport du clavier et du saxophone. Les deux premiers albums du groupe Dire Straits (1978) et Communiqué (1979) ont été enregistré avec uniquement quatre instruments. La lead guitar de Knopfler, la guitare rythmique de son frangin David, la basse de John Illsey et la batterie de Pick Withers. Or dans ce live, nous avons le clavier d’Alan Clark ainsi que le saxophone ce qui offre à des morceaux comme Once Upon à Time in the West ou Sultans of Swing, un véritable renouveau.
Ensuite évidemment, il y a les longues improvisations et Knopfler n’est pas le seul à en profiter. Évidemment, des solos comme ceux de Sultans of Swing ou Tunnel of Love sont rallongés mais ce, au service d’instruments comme la basse ou le clavier. Ainsi, le solo final de Sultans of Swing laisse la part belle au clavier, tandis que celui de Tunnel of Love laisse John Illsey s’éclater à la basse. Et puis il y a Terry Williams à la batterie ! Et bon dieu, quelle meilleure occasion de parler de Terry Williams qu’Alchemy !
Terry Williams a remplacé Pick Withers durant cette tournée et s’est imposé comme le nouveau batteur du groupe. Cependant, il n’a pas vraiment brillé en studio, puisque son seul fait d’arme est l’introduction de Money For Nothing. On l’a également vu au Live Aid ainsi qu’au concert pour les soixante dix ans de Nelson Mandela (sa dernière apparition chez Dire Straits). Mais en live, Terry Williams est un monstre. Rarement j’ai vu quelqu’un taper avec autant d’énergie sur ses cymbales et à un rythme effréné. Je suis constamment éberlué par sa performance durant ce live et il est à mon sens, le meilleur batteur du groupe.
Évidemment, les autres musiciens sont sensationnels. John Illsey se donne à fond sur la basse, Hal Lindes se présente comme un excellent successeur de David Knopfler à la guitare rythmique et Alan Clark nous offre des instants mémorables aux claviers. Il n’y a qu’à écouter la longue introduction de Tunnel of Love pour le comprendre ou encore ses solos durant Telegraph Road.
Et puis bon, niveau setlist, ce live envoie du feu. On retrouve évidemment les grands standards avec Sultans of Swing, Romeo and Juliette ou Private Investigations. Mais d’autres morceaux moins connus comme Solid Rock ou Two Young Lovers sont vraiment excellents. Le morceau final Going Home est quant à lui issu d’une bande originale composée par Knopfler en solo et qui a servi au film Local Hero. Ce morceau totalement instrumental est d’une beauté ahurissante et conclue en apothéose ce live.
Vous remarquerez cependant que je suis assez taiseux concernant Telegraph Road alors que je lui avais consacré deux longs paragraphes dans ma critique de Love Over Gold. Telegraph Road qui figure quand même dans mon podium de mes chansons préférées. Et bien pour le coup, je trouve que Telegraph Road est la seule performance de ce live qui ne surpasse pas sa version studio. Pas que la performance soit mauvaise, elle n’en demeure pas moins exceptionnelle et l’un des meilleurs moments de ce live. Mais force est de constater que les arrangements de la version studio font vraiment le sel de ce chef d’œuvre et manquent à cette performance. C’est bien le seul morceau de ce live où je me dis que les instruments font preuve de plus d’alchimie dans l’album d’origine. Mais bon, c’est presque du pinaillage, ça reste un monumental chef d’œuvre. Mais pour le coup, je réécoute plus la performance de Sultans of Swing et surtout de Tunnel of Love. Tunnel of Love qui est pour le coup, le meilleur moment du concert avec son introduction magnifique et sa conclusion explosive.
Bref, si je devais présenter Dire Straits avec un album, ce serait sûrement celui-ci. C’est un live, c’est un peu de la triche, mais j’y retrouve tout ce que j’aime chez ce groupe. Des musiciens exceptionnels, des longues envolées lyriques et instrumentales. Et évidemment, les compositions et les textes de Knopfler toujours aussi géniaux. C’est la période où Dire Straits se lâche, où Knopfler n’a peur de rien et nous écrit ses plus belles chansons, bref, ma période préférée chez ce groupe légendaire.