Andorra
7.1
Andorra

Album de Caribou (2007)

Andorra est le premier album auquel Dan Snaith alias Caribou ait pu offrir la totalité de ses capacités mentales. Elles sont immenses : 100% des gigahertz de son supercalculateur, multipliés par 365 jours, ça donne 670 morceaux ou bouts de, écrits ou enregistrés puis condensés en neuf chansons. Un collage géant, une entreprise maniaque. Le point de départ de cette folie conceptuelle est, paradoxalement, une émotion. Pure et simple. Ce sont des chansons, et une en particulier : This Will Be Our Year des Zombies. Analyser les sentiments : Snaith est donc un indécrottable scientifique. Mais il ressemble plus à un professeur Tournesol pop qu’à un gris Nobel : Andorra est un album à la précision scientifique mais à la rigueur molle ; une œuvre extrêmement sensible, une petite réserve à émotions, à conserver près de soi en cas de panne. La première partie de l’album, l’extatique ouverture Melody Day notamment, l’éblouissante She’s the One (chantée par Jeremy Greenspan de Junior Boys) ou la mélancolie sur pneumatiques d’After Hours sont un hommage direct à la sunshine pop des années 60, transmutée par son amour du kraut ; on croule sous des mélodies chantilly, tout en rebondissant sur d’incroyables galopades rythmiques. Le souci du détail et de l’esthétique est fascinant : des micro-arrangements foisonnent comme des excroissances magiques, les sons bruissent comme le feuillage d’une forêt vierge, les morceaux explosent en formidables éruptions solaires. La suite de l’album, en revanche, est d’une autre nature. Elle s’éloigne du format chanson, s’éclate, se minimalise, s’atmosphérise jusqu’aux huit minutes monumentales, électroniques et psychotropes de Niobe : intenable, le garçon semble déjà regarder ailleurs. Il est temps pour lui d’inventer de nouveaux axiomes, de théoriser d’autres émotions.(Inrocks)


Chassez le naturel ? Et il ne revient pas si rapidement… On le sait, dans le “civil”, Dan Snaith est diplômé de mathématiques, l’une de ces sciences qu’on dit exacte et raison pour laquelle il a quitté son Canada natal (il y a de cela six ans, déjà) afin d’étudier à l’Université de Londres. Pourtant, lorsqu’il investit son studio d’enregistrement, il ne semble animé que par une seule et même obsession : tordre le cou à la logique, redéfinir de nouveaux espaces spatio-temporels. On l’a cru, à l’aune d’un premier album abscons mais onirique, Start Breaking My Heart (2001), laborantin un peu fou, inséparable d’un laptop dernier cri d’où il extirpait des sonorités empreintes d’une beauté ésotérique. À l’époque, il se cachait derrière l’identité Manitoba, histoire de rappeler ses origines, et se retrouvait d’un coup d’un seul désigné comme l’un des principaux prétendants au trône d’une electronica post-moderne, alors en mal de figures emblématiques. Mais, malgré son jeune âge (il est né en 1979) et ses vrais airs d’étudiant binoclard, le garçon avait déjà d’autres aspirations, citant à qui voulait l’entendre des sources d’inspirations qui dépassaient le cadre musical de son disque énigmatique, déclarant dans ces mêmes colonnes : “J'écoute énormément de hip hop, ainsi que les productions de Warp, Rephlex en général et Aphex Twin en particulier. Mais je m'inspire aussi de Sonic Youth, Spacemen 3, Eric's Trip ou Joy Division… De plus, comme j'ai habité au milieu de nulle part dans une ville hippie, cet environnement m'a aussi permis de connaître The Byrds, The Beach Boys, Donovan et le folk”. Alors, il y a fort à parier que sa rencontre avec Kieran Hebden, alias Fridge ou Four Tet (entre autres identités diverses et perverses), va s’avérer l’élément moteur qui fera resurgir au premier plan de son imagination débordante ces influences sixties, restées jusque-là enfouies dans sa mémoire de mélomane compulsif. Car, depuis cette œuvre inaugurale, le jeune homme s’amuse comme un bossu à explorer ces contrées musicales ancestrales, que, trop souvent, les groupes et artistes se contentent de singer (avec, parfois, un brio certes stupéfiant), sans penser à leur insuffler une nouvelle virginité. Malgré un changement de patronyme forcé (pour éviter un procès du triste sire Handsome “Dick” Manitoba, ex-chanteur des Dictators) peu après la sortie de Up In Flames (2003) – que l’on considère dorénavant, avec l’aide précieuse du recul temporel, comme le véritable premier chapitre de l’histoire à rebours que Dan Snaith a décidé de narrer –, il ne s’est jamais détourné de cette quête. Aucun problème de schizophrénie chez ce musicien de formation classique, batteur émérite, qui jongle avec les rythmes acrobatiques et les idées mélodiques, les trouvailles sonores et les gimmicks en or. Manitoba est mort, vive Caribou ! Cette métamorphose identitaire n’a donc pas coupé le Canadien dans son élan, en témoignait merveilleusement la sortie de The Milk Of Human Kindness (2005). Un disque plus charnel et “physique” que son prédécesseur, servi par les expériences live et “en groupe” d’un Dan extraverti, lancé bille en tête dans l’exploration des arcanes (AR Kane ?) du krautrock et captivé par l’observation virtuelle de l’UFO – non, pas une soucoupe volante, mais bien la salle londonienne qui accueillit jadis les expérimentations sonores de Pink Floyd sous emprise de Syd Barrett. D’ailleurs, le disque devait beaucoup aux parents d’Arnold Layne, porté par des envolées cosmiques crépusculaires et étrangement baigné dans les brumes psychédéliques sixties d’un fog so bristish. Ensuite, Caribou s’est lancé dans une longue transhumance qui lui a permis de traverser clandestinement l’Atlantique, puis les États-Unis jusqu’à la côte Ouest. Car Andorra s’apparente à un parachutage en plein jour au beau milieu des rues de San Francisco, alors que la révolution culturelle est en marche. 2007 en 1967 ? En quelque sorte… Et voilà l’ami Dan pris dans le tourbillon de cette excitation palpable, l’œil goguenard et le cerveau en ébullition. Il croise Arthur Lee et Bryan McLean et, pas bégueule pour un sou, leur file un coup de main pour résoudre l’équation Seven & Seven Is en leur susurrant une Melody Day au creux de l’oreille. Le soleil est radieux, un air de flûte s’échappe d’une fenêtre ouverte, la batterie explose et la guitare s’affole, tandis que la voix, enjôleuse, continue d’égrener des mots apaisants. Des mots qui ne sont pas sans séduire Sandy, cette jeune femme songeuse dont la silhouette parfaite et le regard mutin n’ont pas fini de faire tourner bien des têtes. D’ailleurs, on resterait bien à ses côtés jusqu’aux After Hours à lui conter fleurette, en lui assurant que She’s The One, aidé par des chœurs célestes, un piano suranné et des cordes romanesques. Seule l’arrivée d’un tramway nommé Desiree parvient à détourner Dan Snaith de ce curieux objet du désir : comme on le comprend, puisqu’il vient d’y croiser Dennis Wilson, plutôt bien entouré comme à son habitude. N’écoutant que son instinct, Dan pique sans vergogne (et note pour note sur un couplet béatement érectile) au Beach Boy sa Lady, Fallin’In Love sous les premiers rayons diffus de l’American Spring. Mais on lui pardonne vite ce larcin éhonté, tant sa musique à l’insouciance dévergondée fait œuvre de bain de jouvence. Et tient du miracle, successions d’équilibres mélodiques où s’entrecroisent, dans un ballet sensuel et chavirant, des sonorités organiques et obsédantes, des harmonies angéliques et précieuses, dont l’éclat aveuglant provoque l’étourdissement, comme sur ce long mantra en guise de ponctuation finale, ce Niobe à mettre Panda Bear en cage, s’étirant avec une souplesse impériale jusqu’à la dernière note, instant cruel où l’on est ramené, sans le moindre avertissement, dans le temps présent. (Magic)
Daniel Snaith est canadien et fier de l’être. L’ex-Manitoba (province canadienne) avait le choix entre le Loup, le Garou et le Caribou comme animal totem. Les deux premiers étant déjà pris, c’est le cervidé qui a décroché la timbale après un trip au LSD dans la forêt. Depuis ses débuts electronica sous le pseudo Manitoba, le bonhomme n’a cessé d’évoluer vers des sonorités plus pop. Ce fut le cas sur le premier album de Caribou ("The Milk of Human Kindness"), de la pop matinée d’électro qui laissait préfigurer ce superbe "Andorra".Féru de mathématiques, le Canadien construit ses morceaux autour de boucles électroniques répétitives sur lesquelles il laisse courir ses délires mélodiques et vocaux à la manière d’autres adeptes de la cause zoo-hallucinogène (Panda Bear, Animal Collective). Les débuts instrumentaux semblent définitivement rangés au rayon des souvenirs. Snaith s’autorise même un duo en compagnie de Jeremy Greenspan du groupe Junior Boys sur l’excellent She’s The One, habile shoegazing vaporeux à la My Bloody Valentine agrémenté de cordes et bidouillages electro.Si la page electronica n’a pas été complètement tournée, comme le prouvent Irene et Niobe, les deux derniers titres de l’album, c’est dorénavant de pop psyché que l’on parlera pour caractériser la musique du Canadien. A ce titre, Melody Day et After Hours nous explosent à la figure telles une pochette surprise remplie de cotillons en tout genre, la batterie se chargeant de mettre le feu aux poudres. L’ombre de Brian Wilson, des Zombies et de toute la pop 60’s sous psychotropes plane au-dessus des harmonies vocales et bizarreries sonores de Desiree, Eli et plus largement de l’album dans son ensemble. Andorra" marque une nouvelle étape dans la carrière de Daniel Snaith. L’homme qui se cache derrière le Caribou avance désormais à visage découvert et son nouvel album mériterait  de trôner au dessus de toute bonne… cheminée. (indiepoprock)
L’homme qui se cache derrière Caribou répond, dans le civil, au nom de Dan Snaith, que certains ont peut-être déjà entendu sous l’entité Manitoba qui lui valut de figurer parmi les artistes les plus intéressants de ce nouveau siècle en termes de musique électronique. Le patronyme n’aura changé que pour de sombres raisons juridiques, c’est pourquoi le Canadien a continué sous le nom de Caribou tout en poursuivant une route artistique déjà bien engagée. C’est en tous les cas ce qu’est venu confirmer “The Milk Of Human Kindness”, sorti chez Domino en 2005, qui voit son successeur “Andorra” débouler cette année chez Merge Records.Raison d’un certain manque de reconnaissance (ou non) lors de sa dernière apparition, Snaith opère un tournant quelque peu radical sur les neuf titres de ce nouvel opus. Les expérimentations capilo tractées appartiennent désormais au passé, pour laisser place à un registre beaucoup plus pop qui se fait sentir dés le frissonnant et délicat “Melody Day” d’ouverture, certainement le plus réussi de la carrière du bonhomme. Impeccablement homogène, “Andorra”, riche, plus dense et plus chanté, possède néanmoins quelques autres pépites croustillantes. Jetez, par exemple, une oreille sur “She’s The One”, “Eli”, ou “Sandy”, que de nouveaux titres soufflant un vent de psychédélisme anglais des sixties qui, mélangé à cette approche électronique originelle (”Irene”, “Niobe”), ne laisse pas indifférent aribou se dévoile donc encore un peu plus. Chanteur convaincant, percussionniste intriguant, mélodiste de talent, il fait de ce “Andorra” un superbe disque de transition quand d’autres, dans le même cas, ne laissent qu’une impression souvent désagréable d’artistes n’ayant pas encore totalement trouvé leur voie. Désormais définitivement plus pop qu’electronica, D)an Snaith parlera aux deux franges d’un public qui trouvera une nouvelle fois de quoi débattre. (mowno)
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le 27 févr. 2022

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