Apocalypse
7.2
Apocalypse

Album de Bill Callahan (2011)

Je ne sais pas d'où m'est venue cette admiration soudaine pour le nouvel album de Bill Callahan. L'objet est très modeste dans la forme (7 titres de folk-country américaine, ça n'envoie pas du rêve), et pourtant je l'ai écouté en boucle toute l'année - pire ! Il finit par occuper la première place de mon classement de 2011. Sacrebleu mais que m'arrive-t-il, serais-je en train de devenir un de ces folkeux qui s'émerveille devant chaque ballade à la guitare sèche ?

... Bon, pour ma défense, il faut admettre que dès les premières secondes d'Apocalypse, M. Callahan (officiant dans les 90's sous le pseudo Smog) a le talent pour capter son audimat. Une voix grave et bluesy déclare doucement "The real people went away..." Sur ces mots démarre une ballade folk assez classique, qui aurait de quoi ravir, entre autres, les fans de la bande originale d'Into The Wild par Eddie Vedder. Mais ce qui m'a marqué dans son déroulement - et vous allez vous foutre de ma gueule pour cette banalité - c'est l'incroyable sentiment de liberté que véhicule la guitare. Voilà, en fait dans sa musique, tous les éléments qui la composent semblent libres.

La batterie est en général peu mise en avant (un jeu presque jazzy, exemple sur "Free's") ; en live, le batteur semble parfois en décalage avec le reste, comme s'il rajoutait des notes et improvisait. Sans que la cohérence des morceaux en pâtisse. Il y a juste une dimension du hasard, du chaotique (ou de l'apocalyptique, justement) dans chaque instrument que l'on entend. Ils forment un tout mais semblent peu retenus par les exigences d'une composition. De même, la guitare électrique joue rarement de véritables riffs, mais intervient ponctuellement pour rajouter sa touche à la peinture.
D'autres instruments apparaissent spontanément dans le décor (violons sur "Drover", flûte sur "Free's", piano sur "One Fine Morning"), contribuant à animer cet univers, le rendre vivant. Chaque élément y va ainsi de sa patte pour nous faire voir ces décors sauvages américains. Mais au delà de ça, il y a surtout le personnage de Bill Callahan au centre :
"Yeah one thing about this wild, wild country
It takes a strong, strong
It breaks a strong, strong mind
And anything less, anything less
Makes me feel like I'm wasting my time"
Sa voix n'a jamais eu un timbre si marqué et toute la musique semble suivre son mouvement (cette montée crescendo sur "Baby's Breath").
En fait Bill Callahan me donne l'impression de maîtriser tellement cet univers folk/ballade qu'il se permet des expérimentations assez déconcertantes. Le meilleur exemple reste "America!" et sa structure très mécanique et répétitive, marqué par un rythme binaire qui vient contraster avec l'imprévisibilité des autres morceaux. Ce titre n'en est pas moins surprenant : un riff funky s'interpose (?) tandis que la guitare électrique crache une distorsion bien saignante, et que Callahan dresse dans ses paroles un portrait pour le moins ironique de la grandeur de l'Amérique.
On retrouve d'ailleurs cet aspect parodique à plusieurs reprises (lorsqu'il chante "I'm a helpless man... so help me" sur "Baby's Breath"), comme s'il voulait s'affranchir du formalisme folk, créer quelque chose de nouveau.

Le tout est livré dans une forme assez minimaliste, sur un ton souvent intimiste, traversé par une douce mélancolie (la guitare de "Riding for the feeling").
Un album qui fait du bien.
Et puis ça m'a permis de découvrir Bill Callahan/Smog dont je continue de parcourir la discographie, même si je garde une préférence pour Apocalypse où sa voix me paraît plus puissante, et sa musique plus ouverte et plus libre que jamais.
Feedbacker

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