La révélation, le phénomène, le disque chef-d'œuvre, le groupe de l'année (passée, présente, à venir), l'hallu totale : tout est vrai de ce qu'on a pu écrire et lire à propos de The Arcade Fire. Le plus invraisemblable dans cette histoire, c'est que The Arcade Fire a gagné ses galons de groupe de rock le plus intéressant du moment (passé, présent, à venir) en jouant une musique qui lui tourne souvent le dos, au rock.Si The Arcade Fire s'était contenté d'être un groupe à guitares produit par un professionnel de la profession, sa musique aurait peut-être brillé par sa banalité. The Arcade Fire se serait fondu dans la masse des bons groupes de rock épique et sensible, de Radiohead à My Morning Jacket. Si The Arcade Fire sort du lot, c'est notamment parce qu'on entend dans ses chansons des instruments oubliés, mal-aimés, sous-estimés : l'accordéon, le banjo, la contrebasse, la clarinette Des instruments de folk, de ploucs, de vieux, qui ne sont pas utilisés à contre-emploi, mais au contraire retrouvent ici leur vrai terrain de jeu : la musique populaire. Parfois, les musiciens font la rythmique en tapant dans leurs mains ou avec leurs pieds, sans doute chaussés de godillots usés. Sur The Arcade Fire, œuvre de jeunesse du groupe, on entend des oiseaux, des claquettes, comme si ce disque avait été enregistré dans le conservatoire de musique du village, avec la fenêtre ouverte et les moyens du bord. The Arcade Fire sonne comme un orchestre communal qui se serait amusé à reproduire, avec ce qu'il avait sous la main, la musique entendue sur quelques disques illuminés (Bowie, Pulp, Talking Heads, Björk). Amusé, c'est beaucoup dire. Enregistré avant le fulgurant Funeral (et avant la légendaire hécatombe qui a fait de ce premier album un magnifique chant de survie), le sept titres The Arcade Fire ressemblait déjà à un compte à rebours ? un radeau de la méduse lâché dans la tempête, sur lequel tous les membres du groupe se seraient entassés avant d'y foutre le feu. (Inrocks)