Parler de la compilation « Artifacts » de Beirut, c’est forcément revenir sur l’histoire de ce groupe singulier, et notamment de l’homme-orchestre qui est derrière : l’Américain Zach Condon. Né à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, il a grandi à Santa Fe, la capitale de cet état. C’est là que le jeune adolescent de 14 ans va se mettre à composer dans sa chambre des morceaux de musique pour passer le temps, lors de ses longues nuits d’insomnie.
Véritable éponge à la curiosité sans limites, le jeune Zach accumule les instruments réels ou électroniques dans sa chambre, elle-même décorée de cartes du monde entier, que l’adolescent rêve d’arpenter. Il bricole, il bidouille des boucles électroniques, il enregistre des morceaux d’abord relativement simples, puis de plus en plus complexes, jusqu’à façonner peu à peu la signature musicale qui a fait la renommée de Beirut : un mix entre instruments à cuivre traditionnels et boucles électroniques lo-fi poétiques.
Sous le nom de Beirut, le jeune prodige signe d’abord deux albums, à 20 et 21 ans, qui vont forger sa réputation, inspirés par la musique des Balkans et la chanson française (surtout pour le second). Avec son troisième album, « The Rip Tide », Zach effectue un nouveau départ et livre son album de la maturité : à la fois épuré et percutant, il a digéré tout l’apport de ses influences pour en faire quelque chose d’original, simple et profond en même temps.
Mais à force de tirer sur la corde et d’avoir la bougeotte, après des tournées éreintantes, Zach fini épuisé. Il enchaîne les déconvenues, dont un divorce, et sort son quatrième album, « No No No » dans la douleur, alors qu’il souffre d’une crise d’inspiration. Clairement, avec cet album, on découvre un Beirut en petite forme, loin de ses flamboyants débuts.
Il décide alors de quitter les États-Unis pour l’Europe qu’il aime tant, et s’installe à Berlin. Une nouvelle vie commence pour lui, et il nous livre un nouvel album, le dernier à ce jour : « Gallipoli ». Un album pas tout à fait au niveau de ses trois premiers, mais qui prouve qu’il a encore du talent à revendre.
Aujourd'hui, après (déjà !) 20 ans de musique, c’est dans cette envie de faire le bilan que le projet de la compilation « Artifacts » a vu le jour. Zach est allé plonger dans ses archives personnelles et ses vieux disques durs pour en extraire les morceaux que l’on retrouve sur ce double disque. Certains nous sont déjà connus, comme ceux des EP Lon Gisland et Pompeii (tous deux magnifiques), et quelques autres faces B. Pour le reste, nous avons le droit à des morceaux pour beaucoup intéressants, même si certains sont inégaux, et même à de véritables pépites.
Il y a à boire et à manger : 26 titres pour 1h30 de musique ! Autant dire que c’est un opus qui ne s’apprécie pas en une fois, sous peine de passer à côté de pas mal de choses. C’est à force d’écoutes et de réécoutes que ce double album révèle ses charmes : une belle plongée dans l’univers musical de Beirut, avec des morceaux finalement variés, mettant en valeur les différentes facettes du compositeur et musicien talentueux qu’est Zach Condon. Un véritable périple musical, avec ses expérimentations, ses moments de bravoure et ses phases d’accalmie.
Autant dire que c’est du pain béni pour tout fan du groupe, ou même pour tout amateur de musique vivante, ayant une âme, mixant tradition millénaire et modernité. Clairement, pour découvrir Beirut ne commencez pas par « Artifacts », préférez leurs deux premiers albums. Mais si vous cherchez à approfondir l’œuvre du groupe, c’est un nouveau passage obligé.
PS : détenir la version physique, CD ou vinyle, est un vrai plus : elle contient un livret qui explique l'histoire derrière chaque chanson, et c'est passionnant !
Critique à retrouver sur mon blog ici.