Deuxième album du groupe reformé sur les cendres de Jane Relf et Keith Relf le groupe est en flammes ici. Dès l'ouverture le piano hypnotisant de John Tout nous cloue sur notre chaise et il en sera de même pour tout l'album. Au cœur de la musique de Renaissance il y a John Tout, avant la riche guitare de Michael Dunford et à égalité avec la voix opératique d'Annie Haslam. Renaissance était un peu snobbé en Angleterre et en France par la presse et parfois par les autres musiciens ”révolutionnaires” de la scène rock-progressive. Ne les appelait-on pas avec sarcasme voire dédain: “Re-nice-ssance”? Et pourtant le groupe trône au firmament des plus grands feux de la musique prog et cet album est effectivement un feu de joie de la St-Jean. Les orchestrations , ici plus discrètes que sur certains autres albums, sont parfaites. Il y a encore quelque chose de frais , comme sur le divin Prologue, et les thèmes sont traitées avec un élan rafraîchissant malgré le feu brûlant. “Let it grow ” en est un autre parfait exemple avec encore , en ouverture, le piano Mozartien de John Tout et ce refrain envoûtant, inoubliable, chanté par la grande prêtresse du feu de la voix et digne des plus grandes sirènes qui ont traversé les mers de l'humanité. Oui on aurait le goût de rester avec elle dans ce chant hippie aux aspirations si nobles. Ici les paroles de Betty Tatchcher marquent encore une fois d'un sceau brûlant tout l'album et le canon de voix à la fin de la chanson fait écho à ses aspirations littéraires , miroir, de toute une génération .
Il faut attendre “On the frontier” pour que la guitare acoustique de Michael ouvre un morceau. Le rythme est joyeux, et la voix masculine du bassiste John Camp se joint à celle d'Annie pour nous chanter que nous sommes à la frontière. On se croirait presqu'autour du feu dans un camp scout si ce n'était le piano de John qui s'introduit finalement dans la chanson. Une chanson lumineuse d'été totalement dans l'esprit de Prologue et sa finale délicate mais musclée nous donne un arc-en ciel.
Le côté deux s'ouvre sur un tapis magique de soleils , le discret hautbois et les cordes viennent faire écho à la voix si ensoleillée d'Annie. John Tout touche au clavecin et les violons chantent aussi haut que les acrobaties vocales de la divine chanteuse. Tout cela nous amène magiquement à un des plus morceaux de Renaissance: At the Harbour et son entrée lointaine de piano perdu, fait écho aux navires qui entrent finalement à bon port . Une mélodie à la guitare aussi douce que la voix triste d'Annie nous ensorcelle. 50 ans après mon corps se couvre encore de frissons devant tant de beauté et mes larmes coulent sur la beauté d'un tel vaisseau. Il y a dans ce morceau toute la tristesse des femmes mortes de peur qui prient pour que le ciel s'éclaircisse , ces hommes pris dans la tempête, ce port murmurant ces fantômes. Oui les femmes tiennent encore les mains de ceux qui sont partis. Sue ces paroles bouleversantes, le piano solennel de la fin s'ouvre dans une éclaircie avec ses voix célestes. C'est une des plus belles réussites de toute l'histoire de la musique rock progressive. Sans fard, sans éclat la lancinante beauté d'une toile anglaise.
Le vent souffle sur ce feu et la tambourine marque l'entrée du chef d'œuvre de Renaissance . Nous sommes prêts pour les cendres éternelles. Oui Ashes are Burning est le plus grand morceau du groupe et sa place en concert, étiré par un solo de voix ensorcelant d'Annie, nous le confirme. Tout Renaissance est résumé dans ce 12 minutes avec brio et plus...plus car Renaissance utilisera pour la première fois un guitariste électrique invité : Andy Powell de Wishbone Ash et sa guitare est en feu, tout comme le clavecin et le piano de John Tout qui jamme jusqu'à l'infini au cœur du morceau. Ce jam inoubliable dépasse tout ce que Yes et Emerson ont pu produire aux claviers. Là où ceux -ci tombent dans le spectaculaire gratuit , Tout ne joue jamais une note de trop , seul Banks (Genesis) et Banton (VDGG) ont cette précision, cette économie musicale qui les rend de véritables maîtres de la composition. Il faut voir comment finalement le piano, le clavecin et l'orgue se conjuguent pour nous amener à la finale. L'orgue soutient doucement et royalement la voix d'Annie qui s'élève pour nous chanter que tout ce que nous trouverons c'est l'amour et les cendres brûlent doucement ... maintenant jusqu'où vois-tu ?
Oui les cendres brûlent au loin dans un cri rouge de la voix et la guitare électrique fend l'air .... À ce moment nous ne sommes plus de ce monde et l'humanité fait enfin une....Délivrés de nos corps terrestres, enfin, nous entrons dans le rêve hippie de Betty Tatcher pour nous fondre dans l'éternité de la musique accomplie. Les portes du paradis se sont ouvertes pour toujours et les cendres brûlent éternellement.