Sonny Sharrock – Ask The Ages (1991)
J’ai écouté pas mal des albums de Sonny Sharrock, mais celui-ci était passé à l’as, négligé, son importance avait échappé à ma vigilance. Il n’y a pas de réédition récente et l’objet est un peu cher pour un simple Cd, mais j’ai bien senti l’importance du skud, et le voici qui se déverse entre mes oreilles…
Du coup j’étais averti de cet accompagnement hors-norme, Pharoah Sanders au ténor et au soprano, Elvin Jones à la batterie et Charnett Moffett à la basse. Par le passé Sonny Sharrock a participé à deux albums de Pharoah Sanders, « Tauhid » et « Izipho Zam (My Gifts) » tous les deux enregistrés en 1969. Rien d’étonnant finalement à ce que Pharoah acquiesce à la demande du producteur Bill Laswell et accepte de participer à ce nouvel opus du guitariste free.
Ce dernier compose également, il est l’auteur de tous les titres. Sans doute toutes les compos ne se valent pas, mais c’est plus parce que certaines montent très haut que par insuffisance. Il y a de véritables totems ici, qui semblent en effet incontournables.
Dès l’ouverture on est saisi par « Promises Kept » de près de dix minutes, qui nous rassure sur la forme de Pharoah Sanders, on sait que sa production phonographique est un peu en dent de scie, au cours de ces années quatre-vingts, et bien, l’énergie et la puissance peu commune de Pharoah sont au rendez-vous, il retrouve l’énergie et son fameux « cri » devenu sa marque et sa signature.
Sonny Sharrock est lui aussi au rendez-vous de l’énergie dévorante, il se hisse à la hauteur du saxophoniste pour lui répondre et le soutenir avec la même puissance. L’autre pièce titanesque, peut-être encore plus remarquable, est « Many Mansions » d’inspiration coltranienne, Elvin et Pharoah ont dû penser à John en enregistrant ce titre d’anthologie, on y retrouve ce souffle spirituel qui fit tant dans l’épopée du géant.
Les autres pièces, sans atteindre les mêmes sommets sont cependant intéressantes, « Who Does She Hope To Be ? » est une chouette ballade avec un motif mélodique récurent assez habile, qui ne lasse pas, « Little Rock » se frotte au blues, il est notable qu’on y entend Elvin Jones jouer en soliste la plus grande partie du temps, offrant du grain à moudre à Sonny Sharrock qui s'envole...
« As We Used To Sing » est un terrain de jeu pour Sonny Sharrock qui développe ses conceptions de free-guitare lors de l’entame et même un peu plus, après un très beau solo de saxo. « Once Upon A Time » termine l’album de belle façon, un peu comme pour un hymne, avec des notes joyeuses et optimistes.
Certainement, comme il a été dit, un des meilleurs albums de cette année-là !