Elbow, quintet originaire de la rase campagne au Nord de Manchester, ne montre aucune difficulté à dévoiler ses entrailles et à livrer son ADN musical où figure la trace de quelques vilains monstres repoussants. Oui, ce groupe à bien été biberonné au rock progressif, oui il a écouté Genesis, Yes, King Crimson ou Caravan, soit le pire et le meilleur de ce genre dévoyé et honni. A entendre leur premier album paru au printemps, Asleep in the back, Elbow ne s'est pas endormi non plus sur sa collection désuète de pochettes signées Roger Dean et n'a retenu du prog-rock que le strict essentiel, à savoir un champ d'action extensible et malléable à l'infini. Asleep in the back s'articule selon deux axes essentiels, l'un constitué de chansons immédiatement saisissantes (Any day now et sa construction hypnotique, le foudroyant Powder blue et son refrain enroulé dans la soie), l'autre laissant la place à de longues diversions climatiques basées sur la palpation organique et les déclinaisons instrumentales en abîmes (Little beast, Bitten by tailfly). Mais le titre le plus sujet aux variations demeure, en dehors de l'incontournable Newborn, le fascinant Coming second dont le final peut les bons soirs se transformer en un ballet de sonorités industrielles à faire exploser les sonotones des fans de Genesis. (Inrocks)
Aucune chance d'échapper aux comparaisons avec Coldplay, pas forcément au désavantage d'Elbow, d'ailleurs. La voix de Guy Garvey a la même saveur délicate, avec ce goût pour les ponctuelles montées frémissantes dans les aigus (frappant dans Powder Blue). Mais le son est ici basé sur la complicité de deux frangins, Mark Potter aux guitares acoustiques ou électriques, et surtout Craig Potter aux claviers. Surtout, l'ambiance est plus sombre que chez leurs collègues positivistes. Alors, disons simplement que la pop anglaise est traversée par un courant plus romantique qu'arrogant et qu'Elbow en est l'un des tout meilleurs représentants. Any Day Now, le premier titre déjà sorti en single, débute par une note d'orgue sombre, rejointe par une batterie tribale et une basse très The Cure, période Pornography. Puis la voix éclaire l'atmosphère, seule puis multipliée pour créer un effet quasi gospel. Les cinq Mancuniens ont beau revendiquer U2, Dylan et King Crimson parmi leurs premières influences, on ressent plutôt la marque de Radiohead, de la new wave et, on l'a dit, du gospel. Elbow a le sens des climats hypnotiques et des mélodies mémorables qui savent garder une part de leur mystère. Comme sur l'excellent Coming Second, au beat lent, pesant et obsessionnel, et, une nouvelle fois, avec un magnifique travail de voix, ample et des sons d'orgues qui prennent au coeur. En plein coeur. (Magic)