J'imaginais que cet album marquait la deuxième période de Pink Floyd, celle du pur rock progressif, mais c'est bien plutôt à un album de transition auquel on a droit. Le progressif de la première face du 33 tours (soit la seule piste de près de 25 minutes « Atom Heart Mother », AHM pour les intimes) est confronté à la douce folk de la face B, le tout encore saupoudré de sels psychédéliques. Et franchement, c'est tant mieux, parce que sinon je n'imagine pas à quel point je me serais emmerdé.
AHM donc est dans la veine d'opéra-rock qui commence à voir le jour, en 1970, auprès des groupes voulant repousser les limites du bon vieux rock aux trois accords de blues. On a droit à une longue suite découpée en plusieurs parties, assez différentes tout en gardant indéniablement une certaine unité. Tout est bien construit, poli, solide. Peu de moments dépassent du cadre « sérieux », grave, altier qu'ont voulu donner les membres du groupe à leur bébé. Et c'est bien ça le problème. Sous couvert d'inspiration classique, le Floyd s'est cru obligé d'écrire une oeuvre bien trop coincée, comme si la musique classique ne pouvait pas exprimer de folie. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit: on entend bien qu'il y a des idées, une volonté d'expérimentation toujours présente. Mais le résultat ne m'a tout simplement pas fait voyager. J'ai apprécié le passage avec le violon, celui avec les coeurs presque mystiques et le petit délire psychédélique qui arrive un peu avant la fin. Le reste n'est pas mal non plus mais où sont les véritables envolées lyriques ? AHM se veut grandiose mais assez sobre en même temps. Ce paradoxe musical ne donne pas grand chose d'exceptionnel ici. Tout à fait écoutable mais clairement décevant, surtout de la part de Pink Floyd...
La face B n'est clairement pas là pour relever le niveau. Comme pour « Ummagumma », chaque membre écrit sa propre piste, Mason mis à part. Trois balades folk dont deux prodigieusement plates. « If » et « Fat old Sun », respectivement crées par Waters et Gilmour ont des paroles plutôt intéressantes mais une musique insipide qui se borne à répéter ce qu'on avait déjà entendu sur les albums « More » et Ummagumma ». Stop avec ça, on a compris !
La chanson de Wright, « Summer '68 » est plus réjouissante. Un leitmotiv inattendu nous entraine dans des bouffées de joie contradictoires avec le sens des paroles. C'est frais et original; la seule piste véritablement vivante de tout l'album.
Album qui se termine sur une vraie catastrophe, quasi-impardonnable à mon sens. « Alan's Psychedelic Breakfast » est pour moi la pire « chanson » de Pink Floyd. Plus de 10 minutes à écouter un mec bouffer avec de la musique ultra-minimaliste en fond sonore. Non. Alors d'accord, on a compris que c'était de l'humour typiquement british, mais une blague qui dure plus de 10 minutes, moi j'appelle ça du foutage de gueule.
J'avais pensé à mettre 4, mais comme me l'a fait remarqué Dunslim, l'un de mes éclaireurs, c'est tout de même le premier album où le groupe acquiert une certaine cohésion. Et comme cette dernière aboutira aux plus grands moments musicaux du Floyd, des l'album suivant, je vais tout de même être indulgent. Mais je ne comprendrai jamais les excellentes notes de mes pourtant non moins excellents éclaireurs...